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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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visage de ses gros poings noueux. Les soldats mirent fin à cette boucherie en le décapitant et en le taillant en pièces dans les caves du palais.
    Peut-on imaginer chagrin pire que le mien ? pleurer un ami très cher assassiné après un long exil immérité – puis, après la joie trop brève de le savoir échappé à ses bourreaux, apprendre qu’on l’a repris en traître, honteusement torturé et massacré, et avoir à le pleurer de nouveau, cette fois sans espoir et sans même l’avoir revu ! Ma seule consolation était de penser que Germanicus, dès qu’il saurait tout, laisserait là ses campagnes et marcherait sur Rome à la tête de tous les régiments dont il pourrait disposer, pour venger le meurtre de Postumus sur Tibère et Livie. Je lui écrivis, mais il ne répondit pas ; j’écrivis de nouveau : rien encore. Enfin, un jour, je reçus une lettre affectueuse dans laquelle il faisait allusion au succès incroyable de l’imposture de Clément : comment celui-ci avait-il pu arriver à se faire passer pour Postumus ! Je compris par là qu’aucune de mes lettres importantes ne lui était parvenue, et me rendis compte, avec un subit sentiment d’effroi, que Livie ou Tibère avaient dû intercepter toutes les autres.
    Ma digestion n’avait jamais été bonne : la crainte perpétuelle du poison ne l’améliora pas. Je recommençais à bégayer ; j’eus des crises d’aphasie – des trous subits dans l’esprit qui me rendaient complètement ridicule, car lorsqu’ils me saisissaient au milieu d’une phrase je la terminais n’importe comment. Je devins incapable de remplir mes fonctions de prêtre d’Auguste, dont je m’étais acquitté jusque-là sans mécontenter personne. Une ancienne coutume romaine veut que si l’on commet la moindre erreur dans le rituel d’un sacrifice on recommence toute la cérémonie depuis le début. Or il m’arrivait souvent de me perdre au milieu d’une prière et de répéter la même phrase deux ou trois fois de suite avant de m’en apercevoir, ou encore de prendre le couteau de pierre pour égorger la victime avant de lui avoir aspergé la tête de farine et de sel. Il fallait alors tout recommencer ; l’assistance en avait assez et s’impatientait. Je finis par écrire à Tibère, notre Grand Pontife, et lui demandai de m’accorder un an de congé pour raisons de santé. Il accéda à ma requête sans commentaires.
     

18
     
     
    La troisième année de guerre de Germanicus contre les Germains fut plus brillante encore que les deux autres. Seule restait à reconquérir la dernière aigle – celle du 17 e régiment – quand Tibère lui écrivit de rentrer à Rome pour y célébrer son triomphe.
    Germanicus revint, mais je ne devais pas le voir. On ne devinera jamais où j’étais. À Carthage ! Un mois avant le retour de mon frère, un billet de Livie m’avait averti de me tenir prêt à partir pour l’Afrique. On avait besoin d’un représentant de la famille impériale pour consacrer un temple à Auguste, et j’étais le seul dont on pût disposer. On espérait que je ne me rendrais pas ridicule, fût-ce devant des Africains.
    Je devinai immédiatement pourquoi on m’envoyait là-bas. On n’y avait besoin de personne pour le moment, car il s’en fallait bien de trois mois que le temple fût achevé. Mais on se débarrassait de moi. On ne me laisserait pas rentrer tant que Germanicus serait à Rome, et toutes mes lettres seraient ouvertes et lues. Je n’eus donc jamais l’occasion de dire à mon frère ce que j’avais gardé si longtemps sur le cœur. Lui, de son côté, parla à Tibère comme il en avait l’intention. L’exil de Postumus – il en avait la preuve absolue – était dû à un complot perfide de Livie, et celle-ci devait être définitivement écartée des affaires publiques.
    Tibère affecta d’être indigné par ces révélations, mais déclara qu’il ne pouvait provoquer un scandale en déshonorant tout à coup sa mère : il l’accuserait du crime en tête à tête et lui ôterait progressivement tous ses pouvoirs.
    Ce qu’il fit en réalité fut d’aller trouver Livie et de lui rapporter les paroles de Germanicus. Celui-ci, ajouta-t-il, n’était qu’un sot naïf, mais si populaire à Rome et dans l’armée que Livie ferait peut-être mieux, si ce n’était pas au-dessous de sa dignité, d’essayer de le convaincre de son innocence. Lui, Tibère, éloignerait Germanicus dès qu’il le

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