Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
Vom Netzwerk:
ordonna aux cuisiniers du palais de réserver aux femmes ce qu’il y avait de meilleur comme viandes, comme sucreries et comme vins. Ce fut donc elle qui l’emporta, et les femmes des sénateurs se divertirent avec elle aux dépens de Tibère et de leurs maris.
    Une autre chose qui me déplaisait à Rome était que je ne pouvais arriver à éviter Séjan. Je détestais avoir affaire à lui, malgré la politesse qu’il me témoignait toujours. Je m’étonnais qu’avec son visage et ses façons un homme pût réussir aussi bien dans le monde, sans être ni bien né ni fameux, ni même particulièrement riche. Son visage, en effet, inspirait la méfiance ; il était irrégulier, sournois et cruel ; le seul trait qui le relevât était une sorte d’audace et de résolution brutale. Cependant on disait que plusieurs femmes de bonne famille se disputaient ses faveurs. Castor et lui ne s’entendaient pas, chose fort compréhensible puisque le bruit courait qu’il avait une intrigue avec Livilla. Mais Tibère semblait avoir en lui une confiance absolue.
    J’ai parlé de Briséis, la vieille affranchie de ma mère. Quand je lui annonçai mon départ pour Capoue, elle me dit que je lui manquerais, mais que j’avais raison de partir. « J’ai rêvé de toi la nuit dernière, seigneur Claude. Tu étais un petit garçon infirme : des voleurs entrèrent chez lui et tuèrent son père et toute la famille ; mais il se glissa par la fenêtre du garde-manger et s’en alla en clopinant jusqu’au bois voisin où il grimpa sur un arbre. Les voleurs sortirent de la maison et s’assirent sous l’arbre pour partager leur butin. Mais bientôt ils se querellèrent : l’un d’eux fut tué, puis deux autres ; le reste se mit à boire, mais le vin avait été empoisonné par le premier et ils moururent tous. Alors le petit garçon descendit de l’arbre et ramassa le butin, dans lequel se trouvait une quantité d’or et de joyaux dérobés à d’autres familles ; il emporta tout chez lui et devint très riche. »
    Tout cela est très curieux quand on pense à ce qui arriva plus tard. Je ne crois pas beaucoup aux rêves. Athénodore rêva une nuit qu’il y avait un trésor dans le bois voisin au fond d’un trou de marmotte. Il chercha l’endroit exact et là, sur un talus, découvrit l’entrée du trou. Alors il prit deux paysans et les fit creuser jusqu’au fond – ils y trouvèrent six vieux sous et une pièce d’argent fausse, ce qui n’était même pas suffisant pour les payer de leur travail. Un de mes locataires, un boutiquier, rêva aussi une nuit qu’un vol d’aigles l’entourait et que l’un d’eux se posait sur son épaule. Il en conclut qu’il deviendrait Empereur. Mais tout ce qui arriva fut la visite d’un peloton de Gardes – ceux-ci portent un aigle sur leur bouclier – le caporal venait l’arrêter pour quelque délit qui dépendait de la justice militaire.
     

17
     
     
    Un après-midi d’été j’étais assis sur un banc de pierre derrière les écuries de ma villa et méditais sur quelque problème d’histoire étrusque tout en jetant négligemment les dés, main droite contre main gauche, sur la table mal équarrie. Un homme en haillons s’approcha de moi et me demanda si j’étais bien Tibère-Claude-Drusus-Néron-Germanicus : il venait de me chercher à Rome.
    — J’ai une commission pour toi, seigneur. Je ne sais pas si elle en vaut la peine, mais je suis un vieux soldat vagabond – un vétéran de ton père, seigneur – et tu sais ce que c’est : on est content d’avoir une raison d’aller d’un côté plutôt que de l’autre…
    — Qui t’a donné la commission ?
    — Un bonhomme que j’ai rencontré dans les bois, près du cap Cosa. Un drôle de bonhomme. Habillé comme un esclave mais parlant comme un César. Un grand fort bonhomme qui avait l’air de mourir de faim.
    — Quel nom t’a-t-il donné ?
    — Aucun. Il m’a dit que tu saurais qui il était quand je t’aurais fait la commission : il me l’a fait répéter deux fois pour être sûr que je la savais bien. Il te fait dire qu’il pêche toujours, mais qu’on ne peut pas vivre seulement de poisson et qu’il faut prévenir son beau-frère ; que si le lait lui a été envoyé il ne lui est jamais parvenu, et qu’il voudrait bien avoir un petit livre à lire – de sept pages au moins. Il te fait dire aussi de ne rien faire avant d’avoir reçu de ses nouvelles. Est-ce que

Weitere Kostenlose Bücher