Moi, Claude
d’arborer toutes les fois qu’ils prendraient la mer, en souvenir de la victoire d’Actium. Or, Ostie honorait la mémoire d’Agrippa à l’égal de celle d’Auguste, sinon davantage.
Postumus risquait sa tête : il était toujours banni, et par conséquent hors la loi dès l’instant où il reparaissait en Italie. Il remercia en quelques mots la foule de son accueil. Une compagnie de Gardes se trouvait là pour l’arrêter, car Tibère et Livie, eux aussi, avaient eu vent de son arrivée – mais que pouvait une compagnie contre toute cette foule ? Le lendemain Rome était pleine de marins qui gardaient les rues principales ; à chaque chevalier ou à chaque sénateur qu’ils rencontraient ils demandaient le mot de passe, qui était « Neptune ». Ceux qui ne le savaient pas devaient l’apprendre et le répéter trois fois sous peine d’être battus. Le sentiment populaire était si fort en faveur de Postumus que sur un seul mot de Germanicus la ville entière, y compris les Gardes, se fût ralliée à lui. Mais sans l’appui de Germanicus un soulèvement en faveur de Postumus signifiait la guerre civile, et personne n’eût donné lourd des chances de Postumus dans une lutte contre Germanicus.
Au beau milieu de la crise, ce même Crispus qui avait fait assassiner Clément vint offrir à Tibère de racheter sa faute en s’emparant cette fois de Postumus. Tibère lui donna carte blanche. Crispus ayant découvert, je ne sais comment, le quartier général de Postumus, vint apporter à celui-ci une forte somme d’argent, soi-disant pour payer ses marins, à qui la surveillance de la ville avait déjà fait perdre deux jours de travail. Il lui dit qu’il avait acheté à prix d’or les Gardes du corps allemands et les lui amènerait au premier signal. Postumus le crut. Ils prirent rendez-vous pour deux heures du matin à un certain coin de rue, où les marins de Postumus devaient aussi se porter en masse. De là ils marcheraient sur le palais de Tibère. Crispus ordonnerait aux Gardes du corps de laisser passer Postumus. On arrêterait Tibère, Castor et Livie ; quant à Séjan, Crispus déclara que sans se mêler au complot il avait promis d’amener les Gardes au nouveau régime dès qu’on aurait frappé le premier coup, à condition qu’on lui laissât son commandement.
Les marins furent exacts au rendez-vous, mais Postumus n’arrivait pas. À cette heure tardive les rues étaient vides. Tout à coup une force combinée de Gardes du corps germaniques et des meilleurs hommes de Séjan tomba sur les matelots ; ceux-ci, pour la plupart, avaient bu et s’étaient débandés : leur fameux mot de passe n’avait plus de valeur. Beaucoup d’entre eux furent tués sur place – beaucoup aussi en s’enfuyant ; le reste, dit-on, ne cessa de courir qu’en arrivant à Ostie. Crispus et deux soldats avaient guetté Postumus dans une ruelle étroite sur le chemin du rendez-vous ; ils l’avaient assommé avec un sac de sable, puis lié et bâillonné, mis dans une litière fermée et conduit au palais.
Le lendemain Tibère annonça au Sénat qu’un certain Clément, un esclave de Postumus Agrippa, avait causé beaucoup d’excitation dans la ville en essayant de se faire passer pour son maître défunt. L’audacieux personnage s’était enfui de chez son nouveau maître et caché dans un bois, en Toscane, pour laisser pousser sa barbe, car son menton fuyant était le seul point de dissemblance entre lui et Postumus. Quelques marins d’Ostie, toujours prêts au tapage, avaient fait semblant de le croire afin d’avoir un prétexte pour marcher sur Rome et y provoquer des bagarres. Mais, attaqués par un détachement de Gardes, ils s’étaient dispersés en abandonnant leur chef, qui avait été mis à mort. Le Sénat n’avait donc plus aucune raison de s’inquiéter à ce sujet.
J’appris plus tard que Tibère, quand on lui avait amené Postumus, avait fait semblant de ne pas le reconnaître. Il lui avait demandé d’un ton moqueur : « Comment donc es-tu devenu César ? – Comme toi, et le même jour : tu l’as donc oublié ? » répondit Postumus. Tibère ordonna à un esclave de le souffleter pour cette insolence ; puis on le mit à la torture pour lui faire révéler le nom de ses complices. Mais il ne raconta que des anecdotes scandaleuses sur la vie privée de Tibère – et cela avec tant de détails répugnants que Tibère, perdant patience, lui martela le
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