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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Wiazemsky
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Maintenant, elle ne peut plus parler de la sorte. La femme qui leur avait servi d’interprète est revenue travailler avec elles. Elle s’appelle Hilde, Rolanne tente petit à petit de l’apprivoiser. Ce que Claire devine de son passé l’impressionne plus que les rumeurs qui commencent à circuler sur une guerre possible entre les Américains et les Soviétiques.

 
    Rolanne qui commence à comprendre la géographie et le nouveau découpage du pays vaincu, cherche à l’expliquer à Mistou et à Claire. L’une est occupée à se passer du vernis sur les ongles de pied, l’autre rêvasse, allongée sur le lit.
    — Les deux tiers à peu près de l’Allemagne sont occupés par les Soviétiques dont Berlin, d’accord ? À Berlin, néanmoins, les Alliés ont réussi à maintenir trois petites zones, trois secteurs : un secteur français, un secteur américain et un secteur anglais. Notre immeuble est situé dans le secteur anglais. Vous me suivez ?
    Mais Mistou feuillette maintenant un vieux magazine de mode et Claire a sa tête des mauvais jours. Rolanne renonce à poursuivre ses explications. Elle sait Claire capable de faire l’enfant, d’arguer qu’elle n’aime pas les Anglais, qu’ils ont brûlé Jeanne d’Arc et empoisonné Napoléon ; qu’elle préférerait être dans le secteur français. Pourtant, elle n’ignore pas que le secteur anglais est situé près des gares où arrivent les convois de prisonniers et que la Croix-Rouge travaille avec la Division des personnes déplacées, un organisme chargé de chercher, puis de récupérer tous les prisonniers français disséminés, on ne sait où, dans l’Allemagne détruite.
    En bonne camarade, Rolanne leur propose de faire du thé et descend à l’étage des autres filles où se trouve leur cuisine.
    L’immeuble du 96 Kurfürstendamm abrite des personnalités diverses qui travaillent très bien ensemble et qui partagent les mêmes idéaux. Les rapports entre la Croix-Rouge française et la Croix-Rouge belge sont excellents. Les femmes collaborent entre elles, sans souci de nationalité. Elles participent aux mêmes missions, prennent leurs repas en commun. Les officiers français se joignent souvent à elles. Comme leur chef, Léon de Rosen, ils ont à peine trente ans. Tous prennent très à cœur la recherche des personnes déplacées et servent d’escorte aux convois de la Croix-Rouge. Particulièrement l’un d’entre eux, un capitaine français d’origine russe qui, mieux qu’un autre, parvient à amadouer les autorités soviétiques.
    Claire décide d’écrire à ses parents. Sa mère la presse de revenir et s’agace, dans ses lettres, de ne pas obtenir de réponse précise, une date. Malgré les récits de sa fille, elle semble ne pas bien comprendre comment se passe sa vie à Berlin. Claire pense avec un léger sentiment d’amertume qu’on ne prend toujours pas son travail au sérieux et que son père l’a oubliée. Pas une lettre de lui, juste quelques mots, parfois, griffonnés à la hâte en bas de page.
    Elle sort son bloc de papier et s’installe devant le secrétaire en marqueterie où elle a maintenant ses habitudes.
     
    « 23 octobre 1945
    Chère maman,
    Hier, j’ai été chercher les cendres de 87 Français fusillés par les Allemands. Nous les avons prises au four crématoire de Brandebourg. Ce sont tous des Français très jeunes, condamnés à mort pour sabotage ou espionnage. Vous ne pouvez pas imaginer l’effet que ça m’a fait. Un petit vase, un nom, une date : c’est tout ce qui restait d’un être vivant.
    On attend d’un jour à l’autre l’arrivée de trains d’Alsaciens.
    Je ne sais pas encore exactement quand je rentre. Hier, il était décidé que nous reviendrions à la fin de ce mois-ci, mais on veut nous garder pour ces trains d’Alsaciens.
    Il faut qu’il y ait des ambulances ici et, si nous partons, nous serons remplacées, chose que nous ne voulons pas. Il y a encore beaucoup de travail et cela nous ennuierait beaucoup de ne pas terminer ce que nous avons commencé.
    Vous savez, nous commençons à être très bien, la maison est devenue très confortable. L’hiver sera naturellement affreux pour les Berlinois, mais en tous les cas, pas pour nous.
    Le moral est assez bon et je ne m’ennuie pas. Je ne crève tout de même pas de joie, ni de tristesse non plus, du reste !
    Il fait très beau et très froid.
    Ma maman, je vous embrasse. »
     
    Rolanne vient d’entrer

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