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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Wiazemsky
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plus rien entendre d’autre.
     
    Lettres de Claire :
     
    « 10 septembre 1945
    Chère maman,
    Je commence à m’habituer aux ruines et la vie à Berlin est passionnante à condition de ne pas être berlinois.
    L’autre jour, il y a eu pour fêter la fin de la guerre au Japon un défilé épatant : 1 000 Russes, 1 000 Français, 1 000 Anglais et 1 000 Américains !
    Le défilé russe a été formidable : un mur compact, un seul homme. Vous avez dû les voir au cinéma mais cela n’a rien à voir avec la réalité.
    Ce qui fut merveilleux pour nous c’était de voir les Français qui tenaient la même place que les autres, autant d’hommes, autant de drapeaux. Le général Joukov est passé à un mètre de moi avec autant de décorations que Goering.
    En face de nous la musique de ces quatre pays. Vous imaginez notre joie d’entendre : Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine sur la grande avenue où Hitler a fait tant de grandes parades. »
     
    « 11 septembre 1945
    Je viens de recevoir votre lettre et l’avion part dans une heure.
    Je vous assure que je suis dans un drôle d’endroit, à l’hôpital, au chevet d’un jeune Russe qui est devenu morphinomane après de grandes blessures. Cette nuit, Rolanne a dû se battre avec lui. Il n’a heureusement pas de revolver, mais un couteau depuis ce matin. Je n’ai pas voulu y aller seule et suis avec Mistou. C’est assez épouvantable à voir.
    Nous passons une grande partie de notre temps dans la zone russe. Avant-hier, nous étions à Leipzig. Les Russes sont des gens charmants, mais les missions que nous faisions en une matinée à Lüneburg, durent deux jours avec eux. Il faut attendre quatre heures pour avoir une chambre, quatre heures pour entrer dans le camp, etc. Au début, on est très énervé et puis on prend son parti. On part toujours en mission avec un officier russe. Ne racontez pas tout ce que je vous écris car nous sommes les seules à pouvoir aller dans la zone russe. Nous sommes très enviées des Anglais, des Américains et des Français qui ne peuvent pas y entrer. Même la Croix-Rouge internationale ne peut pas y aller.
    Il y a heureusement aux portes de Berlin des clubs épatants où nous passons de très agréables soirées.
    Si vous connaissez des gens disparus à Berlin et dans ses environs, envoyez-moi tous les renseignements. Je passe une grande partie de mon temps à cela. Des journées et des journées de demandes, souvent pour ne rien avoir. Affreux !
    J’ai été hier visiter la chancellerie. J’ai vu le bureau, la chambre d’Hitler, ainsi que son abri. J’ai pris quelques petits morceaux de marbre de son bureau. J’y retournerai car je voudrais en avoir un gros.
    Il fait très beau mais froid. En ce moment, dans cette chambre d’hôpital, je gèle.
    Ma maman, je vous embrasse de toutes mes forces ainsi que papa.
    ÉCRIVEZ  ! »
     
    Depuis deux jours, Claire partage avec Mistou la plus belle chambre du quatrième étage d’un immeuble situé au 96 Kurfürstendamm où toutes les vitres cassées des fenêtres viennent d’être remplacées. Des ouvriers aménagent la salle de bains attenante, d’ici peu, les deux jeunes femmes auront une baignoire et du chauffage : l’hiver s’annonce très froid à Berlin. La Croix-Rouge leur a déjà offert à toutes de longs et élégants manteaux bleu marine, de coupe masculine, qui ont une doublure en fourrure amovible, ainsi que des chapkas. Claire n’aurait jamais imaginé pouvoir trouver un tel confort dans la ville en ruine. Leurs camarades de section sont logées à un autre étage, dans des chambres plus petites, meublées à la hâte. C’est à un équitable tirage au sort, à un heureux coup de dés, que Claire et Mistou ont gagné le privilège d’occuper cette chambre surnommée, on ne sait pourquoi, « chambre des cocottes ». Après maintes suppositions, les deux amies ont pensé que cela pourrait s’expliquer par le lit à baldaquin, les rideaux et les murs recouverts de satin rose bonbon et bleu ciel, d’un total mauvais goût qui les enchante.
    Un bref coup dans la porte, Rolanne apparaît.
    — Viens, on est en train de faire connaissance avec les habitants des autres étages. Ils ont préparé un verre en notre honneur...
    Claire hésite, tout au plaisir de savourer ce moment de solitude, le premier depuis leur arrivée à Berlin, quinze jours auparavant. Rolanne attend, patiente, qu’elle se décide.
    — Allez,

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