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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Wiazemsky
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traversé trente-deux villages occupés par les Russes. Partout de la musique diffusée à toute force sur toutes les places. Cela, de 6 heures du matin à minuit. Partout de grands portraits peints (dessins enfantins !) de Staline et des autres, des étoiles rouges, petites et énormes, de formidables drapeaux rouges. À la nuit, tout cela est entouré de petites lampes de couleur.
    Les trains d’Alsaciens continuent d’arriver. »
     
    7 novembre
    Un avion part demain enfin !
    Il fait beau ici. Pourquoi avez-vous mauvais temps à Paris ?
    Les trains d’Alsaciens continuent à arriver. Avant-hier, ils arrivaient de Riga. Voilà comment cela se passe.
    Nous avons été avertis à 7 heures du soir. Il me fallut cinq minutes pour faire mon plein d’essence, vingt minutes pour charger l’ambulance de paquets de la C.R.F. et ce fut le départ dans la nuit et la difficulté de trouver une gare à l’autre bout de la ville (dans les 25 km) au milieu des ruines, puis des rails. Pendant que l’officier parlant russe allait parlementer avec les Russes du convoi, je restai deux heures dans le froid et le noir à attendre le bon vouloir de ces messieurs. J’étais avec une autre fille qui, voulant tourner son ambulance, prit son moteur (on ne voyait rien) dans un aiguilleur. Impossible de s’en sortir et la voiture était tout contre les rails. Naturellement, la locomotive arrivait. Elle n’allait heureusement pas vite et put s’arrêter à temps. Enfin, il fallut un levier et six Allemands pour sortir la voiture. Enfin, surtout, arriva une nuée d’Alsaciens à qui on donna les cartons. Nous étions, comme chaque fois, les premières Françaises qu’ils voyaient et vous pouvez imaginer leur joie.
    Puis ce fut l’officier qui revint mais bredouille. Les Russes ne voulaient pas donner les cinq malades graves et les vingt légers qu’ils avaient.
    On revint donc tristement à la maison car c’était une condamnation à mort au moins pour les cinq. On dîna et l’on décida de réessayer le lendemain.
    Je repars donc à 8 heures avec un officier plus malin, cette fois à l’autre bout de Berlin, le train ayant bougé. On redistribua des colis. Les Alsaciens, presque tous des Strasbourgeois, pleuraient de joie. Enfin on s’occupait d’eux ! Il faut vraiment avoir vu ces trains pour comprendre. Tous ces pauvres garçons ont tellement souffert qu’ils en étaient arrivés à ne plus rien espérer. Ils étaient traités par les Russes exactement comme des Allemands. Pas vêtus, pas nourris, avec de la neige depuis fin septembre. Non seulement pas de nouvelles de chez eux mais rien, pas un mot de la France. Tous malades, maigres, de grands yeux graves, profonds, qui n’ont pas vu rire (car on ne rit jamais dans ces pays-là, je l’ai bien vu en Poméranie) depuis des années. Imaginez ces hommes qui brusquement voient des ambulances françaises, avec des filles françaises, qui leur apportent des cigarettes et des tas d’autres choses ! L’un des Alsaciens m’a dit : “Hier soir, quand on a vu les ambulances on s’est dit : on est sauvés, voilà la Croix-Rouge française et on a pleuré.”
    Pendant ce temps et ce fut long, l’officier français parlant russe discutait et arriva enfin à ses fins en invitant les Russes à déjeuner. Moi, j’embarquai les cinq malades graves. Leurs yeux devinrent brillants de joie lorsque je leur dis qu’ils allaient avoir un bon lit, une bonne nourriture et que, dès qu’ils iraient mieux, un avion les mènerait en France en trois heures.
    J’aidai les autres à monter dans la deuxième ambulance. Il y en avait un qui était tellement faible qu’il pleurait.
    Après un bon bain on les coucha et ils me disaient : “Merci ma sœur, on n’oubliera pas.”
    Ce matin, j’ai été leur apporter du chocolat et des cigarettes et comme je leur disais que je n’étais pas une sœur : “Pour nous, vous en êtes une. Une sœur et un Père Noël.”
    Avouez, ma chère maman, que c’est un travail épatant, autant en tant qu’individu que pour la France. Avouez que cela vaut la peine de rester quelques jours de plus !
    Un autre train est parti et s’est arrêté à 150 km d’ici et deux conductrices sont parties pour les recevoir. Là, ils seront habillés en Français, ne dépendront plus des Russes et un train sanitaire prendra les plus fatigués.
    En revenant aujourd’hui de l’hôpital, j’ai dû ramasser une femme qu’un camion russe venait de

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