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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Wiazemsky
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soirée, après une longue journée passée auprès de femmes allemandes, que Claire en prend connaissance. Cette lettre répond à la dernière de Claire qui narrait de façon désordonnée sa rencontre avec Wia. Portée par son besoin de parler de lui, elle n’avait caché ni son origine russe ni son ignorance quant à ce qu’il ferait, plus tard, après Berlin. Maintenant, elle regrette ses confidences. Sa mère, comme elle aurait dû s’en douter, s’inquiète, la met en garde contre cet inconnu, réclame plus de renseignements sur sa famille, sur leur train de vie. Selon elle, Claire perd la tête à Berlin, elle doit se ressaisir, rentrer définitivement à Paris. La seule explication qu’elle trouve à ce qu’elle traite « d’absurde toquade » est d’origine médicale : Claire souffre de surmenage, une raison de plus pour venir se faire soigner en France. Elle lui rappelle que la guerre est finie, que sa place, sa seule et vraie place, est 38 avenue Théophile-Gautier, au sein de sa famille.
    La lecture de cette lettre décourage Claire. Sa mère la traite comme une petite fille, lui indique le chemin à suivre, pire, lui donne des ordres. Encore une fois, on ignore la femme qu’elle est devenue. Elle sait que, derrière sa mère, il y a son père, sa sœur et ses frères, qu’ils sont tous du même avis quant à son avenir. En même temps et parce qu’elle les aime, elle s’en veut de leur causer des soucis. La journée qu’elle a eue pèse sur son humeur. Avec Rolanne, elles ont dû, à deux reprises, retirer leur bébé à des jeunes femmes allemandes. C’était un ordre. Les pères français de ces enfants ont été portés disparus, les enfants doivent être arrachés à leur mère pour être rapatriés en France où, peut-être, personne ne les désire.
    — Tu penses trop Clarinette, viens te coucher.
    Dans le grand lit, Mistou bâille et s’étire. Elle n’a pas terminé de ranger ses affaires, sa valise ouverte gît au milieu de la pièce, ses vêtements traînent ici et là. Claire éprouve tout à coup un sentiment de réconfort en retrouvant son amie, son inévitable désordre et son insouciance. Oui, Mistou de retour, la chambre des cocottes reprend vie. Claire est fatiguée, elle va rejoindre Mistou dans le lit, dormir. Demain, elle répondra à sa mère.
     
    « 4 décembre
    Chère maman,
    J’apprends à l’instant un départ dans dix minutes. Il est 8 heures du matin et nous allons à l’enterrement de trois Alsaciens qui n’ont pas survécu à leur transfert.
    J’ai reçu votre lettre hier soir. Ne craignez rien, je suis très heureuse.
    Je vais vous écrire plus longuement aujourd’hui ou demain mais j’ai voulu vous rassurer dès ce matin.
    Nous partons à Paris le 12.
    Je vous embrasse de toutes mes forces. »
     
    Elle signe. Mais avant de glisser sa lettre dans l’enveloppe, elle souligne d’un trait très ferme ce qui lui semble l’essentiel : « Je suis très heureuse. »

 
    Quatre jours durant, Claire s’enferme dans une sorte de mutisme sombre qui surprend tout le monde. Aux questions qu’on ne manque pas de lui poser, elle répond évasivement en évoquant la migraine. On la trouve nerveuse, irritable, très différente de la jeune femme que toutes et tous aiment dans l’immeuble. Wia, le plus inquiet, multiplie les questions, insiste, supplie et, même, la bouscule. Le deuxième soir, dans la cuisine du premier étage, il s’emporte et lui fait une scène en présence des filles. Claire s’enfuit aussitôt en direction de sa chambre. Wia veut la suivre mais Rolanne l’en empêche en le retenant par la manche. « Je vous en prie, laissez-la tranquille », dit-elle avec douceur. Wia la foudroie du regard, puis quitte la cuisine en claquant la porte avec une violence qui les fait toutes sursauter. Le lendemain, silencieux à son tour, il affiche des mines de chien battu qui auraient pu faire rire mais qui font pitié. Il monte et descend sans raison les escaliers de l’immeuble dans l’espoir de rencontrer Claire. Mais celle-ci sort peu ou accomplit des missions qui ne nécessitent pas sa présence. Par crainte de se faire rabrouer par ses compagnes, il a cessé de s’adresser à elles. D’ailleurs, Plumette et Rolanne semblent l’éviter. Seule Mistou, quand ils se croisent, le gratifie d’un éclatant sourire et d’un insouciant : « Ne faites pas cette tête-là, tout va s’arranger. »
    C’est elle qui, au soir du

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