Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Wiazemsky
Vom Netzwerk:
lancé au monde entier :
    — Oui, Mistou, amoureux, très amoureux. Pour toujours.
     
    Mistou est déjà endormie quand Claire regagne leur chambre. Elle enlève sa veste et ses bottillons sans faire de bruit, allume la veilleuse. La chaleur de la pièce lui semble parfaite, le silence de l’immeuble l’aide à mettre de l’ordre dans ses pensées. Elle est prête, maintenant, à écrire à ses parents.
     
    « 28 novembre 1945
    Ma chère maman, mon cher papa,
    Un avion part demain matin et un ami vous remettra cette lettre en début d’après-midi.
    Pardon d’avoir tardé à vous écrire mais je viens de passer quatre jours épouvantables. Je ne savais plus ce que je voulais et je ne savais plus, je crois, qui j’étais. Mais sans doute était-ce nécessaire.
    Ce que j’ai à vous dire est de la plus haute importance car il s’agit de mon bonheur, de ma vie.
    Wia m’aime et je l’aime.
    Il aime sortir le soir et je déteste ça ; il aime voir des amis et je déteste ça ; il aime boire et je déteste ça ; il aime raconter des histoires drôles et je déteste ça ; nous n’avons aucun point en commun, mais je pense que c’est peut-être avec lui que j’ai une toute petite chance d’être heureuse.
    Je vous demande de m’accorder la permission de l’épouser et de me faire savoir au plus vite votre réponse.
    Je serai, comme prévu, à Paris le 12 et Wia espère obtenir une permission de vingt-quatre heures pour vous être présenté.
    Chère maman, cher papa, je vous embrasse avec toute ma tendresse.
    Votre petite Claire
     
    P.-S. : Je ne suis pas sûre de faire une princesse bien présentable. »

 
    Claire et Wia descendent en courant l’escalier pour rejoindre l’appartement des filles, au premier étage. Celles-ci attendent avec impatience le résultat de l’entretien téléphonique que Claire a dû avoir avec sa mère, à Paris. Mais à leur façon de surgir dans la cuisine, elles comprennent aussitôt, les entourent, les embrassent, avec des cris de joie, des applaudissements, des questions. Quand un peu de calme revient, Wia propose de trinquer à leur futur mariage et disparaît à la recherche d’une hypothétique bouteille de champagne. Rolanne fait réchauffer du café, toutes s’installent autour de la table.
    Claire ressent un subit abattement, une sorte de grande fatigue qui l’empêche de répondre plus précisément aux questions de ses amies. C’est le contrecoup de la tension des dernières heures, le choc d’avoir entendu la voix de sa mère au téléphone. Elle n’avait encore jamais utilisé l’unique ligne téléphonique reliée à la France, installée dans le bureau de la Division des personnes déplacées. Ce rendez-vous avait été rendu possible grâce à Léon de Rosen. Claire l’avait attendu avec une fièvre et une angoisse qui ne l’ont pas encore complètement quittée. Ainsi donc ses parents ont donné leur accord, ainsi donc elle va épouser Wia... Un doute soudain lui serre le cœur. Et si, comme avec Patrice, elle se trompait ? Et si, encore une fois, elle était victime de l’amour que Wia lui porte ? Victime de son enthousiasme, de sa certitude qu’ils sont faits l’un pour l’autre ?
    — Qu’est-ce que tu as, ma Clarinette, tu es toute pâle ? s’inquiète Rolanne.
    — C’est la migraine ? ironise Mistou qui porte ses mains à ses tempes et se met à imiter à la perfection les grimaces de Claire, les intonations plaintives de sa voix : « Elle est là, je la sens, elle monte, ouille, ouille, ouille... »
    — C’est pas drôle de te moquer d’elle. Si tu avais une seule fois dans ta vie souffert d’une migraine, tu saurais que c’est atrocement douloureux !
    — Si on ne peut plus plaisanter...
    De surprendre ses amies en train de se disputer à son sujet ramène Claire à des pensées moins négatives. Elle se lève et va à la fenêtre. Dehors il fait nuit, une neige épaisse tombe sur la ville. Elle a conscience de la chaleur de cette cuisine et de la température extérieure. Elle songe à ceux que son équipe a sauvés qui dorment pour la première fois dans un lit. Elle songe encore, très vite et malgré elle, à ses amis morts durant la guerre. « Mais moi, je vis. » Cette sensation d’exister est si forte qu’elle fait volte-face, affronte les regards inquiets de ses compagnes qui, depuis qu’elle leur a tourné le dos, se sont tues.
    — Vous savez à quoi ça tient, un mariage entre une

Weitere Kostenlose Bücher