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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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cela long.
    Ici, la vie ne varie pas beaucoup. Après une période détestable, le ciel est de nouveau beau, mais il fait froid et nous sommes chauffés depuis hier.
    Rosen est toujours en Amérique et la maison est assez triste et silencieuse. Wia travaille toujours beaucoup, d’autant plus que c’est le mois de la France. Ma santé n’est pas mauvaise. J’ai eu l’autre jour une assez grosse crise de foie, mais il faut dire que je l’avais méritée. »
     
    Là, Claire s’interrompt. Peut-elle raconter dans le détail à sa mère le pourquoi de cette crise de foie ?
    Elle et Wia, très aimés des différents groupes alliés, avaient été invités à dîner chez les Anglais. Claire, tout d’abord, s’y était refusée car elle prétend depuis toujours ne pas aimer les Anglais, responsables d’avoir « brûlé Jeanne d’Arc et empoisonné Napoléon ». Puis elle avait changé d’avis : elle avait un grief de plus à l’égard de leur pays sur lequel elle souhaitait s’expliquer.
    Seule femme d’une tablée d’hommes, elle n’avait pas eu peur de citer le discours de Churchill, prononcé en mars 1946, dans une université américaine, discours durant lequel Churchill avait employé la formule désormais célèbre de « rideau de fer ». Le silence surpris qui avait suivi ses paroles, avait intimidé Claire. Mais le regard confiant de Wia l’avait encouragée à poursuivre et, après avoir avalé coup sur coup deux whiskies, elle s’était levée. Pour tous ces hommes restés assis, elle avait repris son raisonnement.
    Selon Claire, Churchill, en parlant de l’alliance anglo-américaine nécessaire pour lutter contre le communisme en Europe, avait volontairement exclu la France. C’était humiliant, injuste. C’était oublier l’appel du 18 juin du général de Gaulle, l’armée des ombres, les mouvements de résistance... Applaudie par les Anglais, Claire n’avait pu terminer son discours et s’était rassise. « Je suis fière de toi », lui avait glissé Wia à l’oreille tandis qu’un général s’était levé à son tour pour porter dans un français très approximatif un toast à « la fitness de la jolie Française, épouse of my dearest Wia ».
    Que s’était-il passé ensuite ? Claire se souvient mal. Grisée par son succès, par l’ambiance de plus en plus chaleureuse de la tablée, elle avait, elle aussi, porté des toasts à la fraternisation anglo-française. Elle n’avait pas, comme avec les Russes, fait semblant de boire, elle avait bu. Beaucoup moins que tous les hommes, bien sûr, mais suffisamment pour se retrouver ivre morte, debout sur la table en train de trinquer à Trafalgar, cette éclatante victoire de la flotte anglaise commandée par Nelson sur la flotte franco-espagnole.
    Trois jours se sont écoulés depuis cette soirée. « Mon Dieu, pense Claire, quelle honte, quelle honte... » Heureusement, Wia s’était montré compréhensif et même, songe-t-elle aujourd’hui, chevaleresque : « Ne t’inquiète pas, lui avait-il dit le lendemain matin quand elle s’était enfin réveillée. Nous étions tous mille fois plus soûls que toi et nous avons tout oublié. Mais il faut me promettre que désormais tu seras prudente et plus sobre. »
    Non, Claire ne doit pas raconter cet épisode à sa famille. Quelques caresses à ses deux chiens qui ont été malades eux aussi et qui dorment à ses pieds, un verre d’eau et une cigarette, elle peut reprendre sa lettre. Elle aime le calme et la chaleur de la chambre quand elle s’y trouve seule, sans Wia, comme auparavant sans Mistou.
     
    « Je suis toujours assez fatiguée. J’ai surtout de plus en plus la nostalgie du Midi et même de Malagar. Le manque d’odeurs (je ne parle pas de celles des cadavres) ici me fait presque pleurer de tristesse. Je rêve pendant des heures sur la brume, le soleil, l’odeur des feux d’herbes, etc., du mois de septembre à Malagar. Quand je pense que la vie est si courte et que l’on ne vit même pas là où l’on aimerait être, enfin.
    Je me suis achetée hier un ravissant petit accordéon.
    Nous avons été l’autre jour à un concert russe. Les chœurs étaient magnifiques, mais, à mon avis, les visages illuminés de joie de tous ces jeunes Russes étaient plus beaux encore.
    J’ai mis l’autre soir votre robe du soir. Elle me va très bien et, malgré la couleur, c’était la plus belle. Il faut dire que les Anglaises et même les Américaines ont
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