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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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amoureuse de Léon de Rosen. « En plus, elle l’ignore », pense-t-elle soudain lasse. Mais Olga s’est reprise et c’est, debout devant Claire, avec une fiévreuse conviction, qu’elle met fin au silence.
    — J’ai rencontré Sophie Wiazemsky à la messe de Pâques, rue Daru. Nous avons bavardé, elle m’a raconté la visite surprise et en quelles circonstances vous vous êtes rencontrées.
    Claire, à l’écoute de ces paroles, ne songe pas à dissimuler sa surprise. Elle veut parler, mais Olga l’en empêche.
    — Wia qui est intelligent s’est comporté là comme un sot, un absurde sot, son amour pour vous le rend aveugle à une certaine réalité. Prévenus à l’avance, ils vous auraient magnifiquement accueillie. Néanmoins...
    Olga cherche ses mots. Elle voit le regard attentif de Claire et ce regard lui demande de poursuivre.
    — ... néanmoins, il reste que ses parents sortent de quatre années de guerre et de privations, qu’ils sont pauvres et que ce sont pour toujours des déracinés. Voilà, ce qu’il faut que vous sachiez.
    Claire s’est levée. Les deux femmes se font face, conscientes de l’importance de ce qui vient de se dire, de la qualité de leur amitié.
    — Merci, murmure Claire. Et si on se tutoyait ?

 
    Le vendredi 5 juillet 1946, à onze heures et demie, Claire monte les marches de l’église Notre-Dame-d’Auteuil au bras de son père. Son sourire un peu crispé tente de masquer une douloureuse migraine. Elle n’entend pas les commentaires flatteurs des habitants du quartier, elle ne sait pas à quel point elle est jolie, si brune et si pâle, dans sa robe blanche. Elle est aussi en colère. Une colère qu’elle partage avec son père, Wia, leurs deux familles et leurs amis.
    Parce que Wia est de religion orthodoxe, l’église catholique a refusé de célébrer le mariage. Malgré l’intervention de François Mauriac, malgré sa notoriété, le jeune couple n’a droit qu’à une bénédiction. Pas dans la nef de l’église mais à la sacristie, presque à la sauvette. François Mauriac est mécontent, son visage fermé montre à tous à quel point il réprouve l’attitude, selon lui, trop stricte de son Église.
    La cérémonie ne dure pas longtemps. Claire se tourne souvent vers sa mère comme pour s’assurer encore et encore de son soutien. Elle lui est très reconnaissante de l’avoir aidée à préparer cette journée qu’elle redoutait tant. Elle a pardonné son refus du mariage à Berlin où tout aurait été plus simple. Elle aime sa mère d’un amour immense et ce jour-là, dans cette sacristie, d’un amour de petite fille. Pour peu, elle pleurerait d’avoir à la quitter. Elle a déjà sangloté convulsivement dans ses bras, le matin, avant de revêtir la robe blanche. Sa mère a su trouver la tendresse, les mots pour la convaincre de faire bella figura selon son expression favorite. « Mais comment faire bella figura avec la migraine ? » pense Claire, désespérée. Elle entend Wia qui fulmine à son oreille : « On nous marie dans un placard à balais ! »
    Mais heureusement, à la sortie, l’atmosphère est tout autre.
    Vêtues de leur uniforme, les filles du 96 Kurfürstendamm font une haie d’honneur au jeune couple. Leur joie et leur émotion communiquent enfin quelque chose de vraiment heureux à la cérémonie. D’autres amis qui ont pu quitter Berlin sont massés au bas des marches et applaudissent à tout rompre. Ce sont les officiers français de la Division des personnes déplacées, regroupés autour de leur chef, Léon de Rosen qui ne parvient plus à dissimuler sa fierté. « Ce mariage, c’est mon œuvre ! » répète-t-il à qui veut l’entendre. Claire et Wia, sous une pluie de grains de riz, posent pour les photographes venus nombreux. Contrairement à ce qu’ils ont toujours souhaité, « le mariage de la fille de François Mauriac et d’un authentique prince russe » fait figure d’événement mondain.
     
    Une deuxième cérémonie a lieu plus tard à la cathédrale orthodoxe russe Saint-Alexandre-Nevsky de la rue Daru. La famille de Claire découvre la liturgie orthodoxe, ses chants, ses prières. Furtivement, ils observent la haute et grande coupole, l’iconostase, les fresques peintes, les nombreuses icônes. Les multiples bougies et cierges nimbent tous les visages d’une douceur qui efface les dernières traces de la guerre, les rides des plus âgés. Claire sent enfin sa migraine
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