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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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liaison, dont la rude tâche consistait principalement à faciliter les contacts entre nos camarades de la clandestinité. C’était un chaînon vital de nos opérations et, dans beaucoup de cas, elles étaient plus exposées que ceux qu’elles aidaient à se joindre.
    Un principe régissait tous ceux qui effectuaient un travail clandestin important : tenir autant que possible notre lieu d’habitation personnel en dehors de nos tâches secrètes. Personne ne devait connaître mon adresse personnelle, à l’exception des membres les plus proches de ma famille et de la jeune fille qui était mon agent de liaison. On ne préparait pas d’action politique, on ne donnait pas de rendez-vous, on ne gardait aucun papier compromettant à l’endroit où je couchais. Cela nous donnait le sentiment d’un minimum de sécurité et nous libérait d’une crainte constante ; nous pouvions ainsi dormir sans peur. Bien sûr, des accidents pouvaient se produire et il s’en produisit, mais ce système les réduisait au minimum.
    Personne, même « mon » agent de liaison, ne devait connaître mon surnom, ni les faux papiers que j’avais toujours dans ma poche. Dans ces conditions, il était souvent quasiment impossible aux membres de la Résistance de communiquer entre eux. C’étaient les femmes agents de liaison qui résolvaient ce problème en assurant ce service de connexion. Quand je désirais entrer en contact avec un chef politique dont j’ignorais et le nom d’emprunt et l’adresse, je me mettais en rapport avec son agent de liaison.
    Elles, au contraire, étaient très exposées. L’appartement d’un agent de liaison était souvent mis à la disposition de la Résistance. On ne devait jamais la perdre de vue, il lui fallait habiter un endroit où on pût la trouver aisément, et elle ne pouvait changer ni de nom ni d’adresse sans permission. Tant que durait son activité, elle ne pouvait chercher d’autre retraite. C’eût été rompre les contacts entre les membres et les différentes branches de la Résistance. La femme agent de liaison et son appartement étaient toujours surveillés avec soin par un service spécial d’« observation ». Ainsi, si elle était arrêtée, elle ne pouvait nous trahir, même sous les tortures, car deux ou trois heures après, tous ceux qui étaient en contact avec elle avaient déjà changé de nom et d’adresse.
    Elle était donc constamment en danger. Beaucoup de gens connaissaient tous les détails de sa vie. Cela même était fâcheux dans le travail clandestin. Elle avait presque toujours sur elle des papiers compromettants. Ses allées et venues étaient de nature à éveiller les soupçons et sa présence était nécessaire en maints endroits périlleux. La « vie » moyenne d’une femme agent de liaison ne dépassait pas quelques mois.
    Elles étaient inévitablement prises par la Gestapo, la plupart du temps dans des circonstances qui ne laissaient aucun doute sur leurs activités et traitées avec une cruauté bestiale dans les prisons nazies. Beaucoup portaient du poison sur elles et avaient ordre de s’en servir sans hésitation en cas de nécessité. Il était presque impossible de les faire sortir de prison, et la Résistance ne pouvait courir le risque de les voir céder à la torture. On peut dire que parmi tous les résistants, c’était leur sort qui était le plus rigoureux, leurs sacrifices les plus grands et leur collaboration la moins récompensée. Elles étaient surchargées de travail et condamnées d’avance. Jamais elles n’occupèrent de poste important ni ne furent à l’honneur pour leur héroïsme. La plupart des femmes agents de liaison avec qui j’eus l’honneur de travailler subirent le sort commun de leurs sœurs. L’une d’elles était une jeune fille de vingt-deux ou vingt-trois ans. Je la voyais fréquemment, mais ne savais que peu de choses sur elle. Elle travailla avec nous pendant près de trois mois, et c’était une collaboratrice merveilleuse. Elle fut prise par la Gestapo et ne put ni se débarrasser des documents qu’elle transportait ni avaler le poison.
    Un message, transmis en fraude de la prison après son premier et unique interrogatoire, nous révéla son sort. Les bêtes furieuses de la Gestapo la déshabillèrent complètement et l’étendirent sur le plancher. Ils lui attachèrent les membres à des crochets puis lui fouillèrent les organes sexuels avec des matraques en caoutchouc. Le message de la

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