Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
Vom Netzwerk:
parfaitement adaptées au travail clandestin. En dépit de cette opinion universelle que la gent féminine est bavarde et indiscrète, mon expérience personnelle m’a amené à penser que, dans l’ensemble, les femmes sont de meilleures conspiratrices que les hommes. Il y a certaines choses qu’elles ne peuvent faire aussi bien, mais elles compensent cela par les qualités fondamentales du clandestin, qu’elles possèdent au plus haut degré. Elles sont plus promptes à percevoir le danger et moins enclines que les hommes à s’appesantir sur les malheurs. Elles sont incontestablement supérieures dans l’art de passer inaperçues et font montre généralement de plus de prudence, de discrétion et de bon sens. Les hommes ont souvent tendance à exagérer, à bluffer et se refusent à faire face aux réalités. Dans la plupart des cas, ils s’entourent inconsciemment d’une atmosphère de mystère qui, tôt ou tard, leur devient fatale.
    Mon travail, au cours de cette période, était difficile et exigeait une grande concentration. Chaque jour, je rencontrais deux ou trois personnes importantes des diverses structures de la Résistance. J’avais pour mission de leur soumettre et examiner avec elles différentes questions, de recueillir leur avis de manière à le transmettre le plus fidèlement possible à mes mandants. Pendant toutes nos entrevues, nous sentions constamment que la Gestapo pouvait rôder dans les parages. Je devais échanger des vues d’ensemble avec ces personnes, leur exposer l’attitude et l’opinion d’autres dirigeants clandestins et observer leurs réactions, comprendre leurs points de vue et prendre note de leurs décisions pour les communiquer à nouveau.
    J’apportais souvent à ces rencontres une question ou une opinion du commandant de l’ AK ou du délégué en chef du gouvernement. Il fallait obtenir de mes interlocuteurs un maximum d’informations à transmettre. En ce qui me concerne, les moments les plus pénibles étaient ceux où l’entrevue devait être interrompue, parce que je n’étais pas en possession des pièces relatives à notre conversation. On appelait cela « un manque d’efficacité dans la section de liaison politique », et je devais subir les critiques sévères de mes supérieurs.
    Dans la période initiale de mon travail, les fautes de ce genre furent nombreuses. Plus tard, j’appris à corriger mes premières erreurs et à me perfectionner.
    Quelques problèmes étaient débattus oralement, mais, dans la majorité des cas, je devais préparer des rapports. Ceux-ci étaient de véritables rapports administratifs, numérotés, datés et rédigés soigneusement. Parfois, mes agents de liaison en donnaient des copies aux personnes avec qui j’avais conféré. Les noms, les lieux, les partis, et tous les facteurs importants étaient toujours chiffrés ou désignés par des pseudonymes. Ma section avait deux codes spéciaux, l’un pour la Délégation, l’autre pour les autorités militaires.
    Si je précisais qu’il y avait une forte possibilité d’atteindre l’unanimité, et si les hommes qui recevaient ces rapports confirmaient mon opinion en signant les copies et en me les retournant, la cause était considérée comme entendue. Le rapport était alors déposé dans les archives comme témoignage et document historique. Mes rapports devinrent ainsi la base des rapports mensuels et trimestriels que le gouvernement polonais en exil recevait de la Résistance. Si aucun accord n’intervenait sur des questions ou des propositions données, ou bien si les refus étaient définitifs, les dirigeants renvoyaient le rapport en décidant qu’il était nécessaire de réunir la Représentation politique du pays, pour reprendre les discussions et les pousser plus avant.
    Quand arrivait une demande de convocation de la Représentation politique, elle était transmise au bureau de la Délégation du gouvernement en exil. Le directeur avait la responsabilité de décider de la date et du lieu de la réunion. Il attendait généralement qu’un certain nombre de ces questions pendantes se fussent accumulées avant de préparer une réunion, à moins qu’il ne considérât la question comme d’une importance vitale. Je n’avais plus alors à m’occuper du problème et n’étais pas informé de la décision finale.

ChapitreXXV Femmes agents de liaison
    Au cours de mon travail, j’en vins à sympathiser profondément avec les femmes agents de

Weitere Kostenlose Bücher