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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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des heures interminables à des « points d’observation ». D’autres avaient pour tâche obscure d’aller chercher et de distribuer la presse clandestine, travail ennuyeux, pesant, fatigant, à la longue dangereux, mais certainement peu excitant. La plus grande partie de notre travail relevait de la routine de bureau, précise, détaillée, procédant de méthodes scientifiques et administratives. En effet, pour exécuter un raid, pour faire marcher une imprimerie clandestine, pour s’occuper d’une école clandestine d’enfants ou faire sauter un train, il faut une longue préparation, une soigneuse analyse, des renseignements de sources différentes et la coordination de ces activités.
    Mon propre « appareil » était complexe. J’avais accès à quatre bureaux bien équipés en différents points de Warszawa. Deux servaient de lieux de rencontre aux dirigeants militaires et civils, le troisième était réservé aux archives, et le dernier était mon « bureau » avec deux dactylos professionnelles et les accessoires habituels au travail administratif. J’avais, parmi mes assistants, ces deux femmes qui tapaient à la machine, deux gamins qui me servaient d’agents de liaison et quatre diplômés de faculté, sûrs et bien entraînés, qui avaient le statut de représentants de ma section et le mandat de conférer avec nos chefs civils et militaires.
    Les deux locaux destinés aux rencontres étaient situés dans de grands bureaux commerciaux d’un même immeuble. Leurs propriétaires se rendaient parfaitement compte que nous les avions loués pour des occupations de nature « confidentielle ». Nous avions réussi à dissiper leurs craintes en leur assurant qu’on n’y laisserait jamais rien de compromettant, et de plus… le loyer convenu était trois à quatre fois supérieur aux tarifs en cours. Par ailleurs c’étaient des personnes dignes de confiance. Cet immeuble commercial voyait les allées et venues d’innombrables hommes d’affaires ; il était déclaré aux autorités allemandes et même protégé par elles. Ces faits étaient pour nous des avantages inestimables. Une grande circulation de gens de toutes sortes nous permettait de passer inaperçus. Tout était calculé pour n’attirer l’attention de personne. En outre, au bout de quelque temps, je contractai un engagement comme agent de publicité dans la firme qui possédait l’immeuble. C’était un excellent prétexte à des visites quotidiennes au « bureau ».
    Mes archives quant à elles étaient cachées dans un restaurant de Warszawa. L’art de dissimuler des documents dans des appartements privés avait atteint un incroyable degré d’ingéniosité. On utilisait des murs doubles, des faux plafonds, les parquets doubles et les doubles tiroirs, les tuyaux de la salle de bains, les fourneaux, l’ameublement, etc. On pouvait même en parler ouvertement. Car si les Allemands s’étaient mis en campagne pour déterrer les documents cachés en Pologne, ils auraient été obligés d’employer une armée entière de travailleurs pour démolir les maisons, éventrer les parquets et les plafonds, et les mettre en pièces, centimètre par centimètre, de bêcher des milliers de parcs, d’éventrer des centaines d’égouts et de conduites à gaz.
    Mon « bureau » personnel se trouvait dans l’appartement privé d’un immeuble cossu et calme de Mokotow, loué auprès d’une vieille dame de la noblesse qui résidait elle-même à Konstancin-Jeziorna et dont le fils se trouvait au Brésil, pour le compte d’une compagnie commerciale lorsque la guerre a éclaté. L’appartement, de trois pièces principales, avait aussi une entrée de service par la cuisine, ce qui était très important en cas d’évacuation forcée. J’avais installé mon bureau dans l’une des pièces, chauffée, grande et confortable, l’autre servait aux dactylos. Les machines à écrire étaient du type silencieux, des Remington modernes, de façon à pouvoir être utilisées tard dans la nuit, sans encourir les plaintes des voisins. Les deux dactylos qui y travaillaient étaient d’apparence modeste, ne semblaient pas autrement intéressées par ce qui se passait autour d’elles, et n’attiraient en aucune façon l’attention par leurs allées et venues. La salle à manger était à la disposition de mes assistants. La cuisine servait à mes agents de liaison, qui n’avaient de contacts qu’avec moi.
    Les femmes étaient

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