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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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triangle de pierre rouge, comme
ceux que Malembert et moi avons trouvés dans la besace de l’Arménien, comme
celui qui termine la pertuisane du soldat… Et ce singe, lorsqu’on le détaille,
ressemble à l’homme en armure, en plus bestial, voilà tout. Ce diptyque n’a
rien d’une œuvre religieuse. C’est un message par-delà la tombe qu’a voulu
laisser Alfonso de Arévolo.
    Il tendit les béricles à l’abbesse,
qui les chaussa à son tour. Elle examina durant un long moment le tableau.
Lorsqu’elle releva la tête, elle était livide jusqu’aux lèvres. Elle
souffla :
    — Je ne comprends pas la teneur
du message…
    — Quant à moi, je redoute de
l’avoir comprise. Et si vous me permettez cette grossièreté, madame, à vous
voir aussi pâle qu’un spectre, je jurerais qu’un début de déchiffrement vous a
effleurée.
    Plaisance ne répondit d’abord pas.
Elle lui rendit les béricles et contourna d’une démarche pesante sa table de
travail pour se laisser glisser dans son fauteuil. Elle admit :
    — J’ai l’impression que mes
jambes ont tourné à l’étoupe.
    — Je ne me sens pas gaillard
moi-même.
    Elle posa les coudes sur son bureau
et enfouit son visage entre ses mains.
    — S’agit-il d’une sorte de
parabole artistique ? s’enquit Plaisance d’une voix faible, suppliant pour
que la solution qui se frayait un chemin dans son esprit soit erronée.
    — Selon vous, une parabole
d’artiste, si exagérée soit-elle, aurait-elle pu coûter la vie à tant d’êtres,
justifier tant de duperies et de forfaits, depuis si longtemps ? J’ai
passé en revue le contenu de ce sac, il y a des années. Ce morceau de crâne, un
tibia qui appartenait indiscutablement à un homme de petite taille, des
phalanges et des côtes qui semblaient humaines, et ces triangles aigus de
pierre taillée terminés d’une sorte de languette. Jamais je n’aurais imaginé
que ladite languette servait à fixer cette pointe sur une pique de chasse.
    — Et la familiarité entre ce
singe et ce rustaud de soldat, qu’en faites-vous, monsieur ?
    — Béranger de Normilly avait
compris. Francisco de Arévolo également. C’est pour cette raison qu’ils ont
décidé de ne pas remettre le contenu du sac à monseigneur de Valézan. Le
squelette négocié par cet Arménien n’est pas celui d’un grand singe. C’est
celui d’un homme antique, qui nous précède dans l’histoire du monde. Le soldat
a été figuré de la sorte afin de lui ressembler tout en ayant gagné en…
humanité. Alfonso voulait faire comprendre le lien entre les deux.
    — C’est une hérésie !
hurla l’abbesse en abattant son poing sur sa table de travail. Il est écrit
dans le Livre sacré : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de
Dieu il le créa, homme et femme il les créa [180] . » Dieu
ressemblerait-il à ceci ? débita-t-elle d’une voix heurtée de fureur en
désignant le soldat peint. Ou pis, à cela ? (Sa main descendit vers la
pansière.) Allons, monsieur ! Si ce n’était une telle bouffonnerie, il
faudrait y voir un intolérable blasphème !
    Mortagne hésita, parvenant encore à
retenir les paroles ahurissantes qui lui venaient aux lèvres. Pourtant, elles
lui échappèrent :
    — Car, selon vous, les
créatures humaines que nous sommes ressembleraient à Dieu ? Avec tous
leurs vices, leur mauvaiseté, leur cupidité, leur bêtise aussi ?
    — N’existe-t-il rien de bon en
nous ? le coupa-t-elle, véhémente.
    — Oh si… il y a l’amour, le
courage, l’honneur. Le goût de la beauté également. Cela étant, vous admettrez
que nombre d’entre nous en sont dépourvus.
    Elle feignit une surprise
méprisante. Pourtant, sa voix tremblait :
    — Or donc, selon vous, le texte
sacré est fautif ? Car vous n’oseriez quand même pas supposer qu’il est
mensonger !
    — Que non, madame. Ni fautif et
encore moins mensonger. Le texte est sacré, justement. Il sait le passé, le
présent et il connaît l’avenir. Le temps de Dieu n’est pas le nôtre [181] .
Nous comptons en années. Il compte en centaines de millénaires.
    — Je ne l’ignore pas.
Cependant, je ne vois toujours pas où vous voulez en venir.
    — Le temps de Dieu est infini,
Son Projet également. Nous avons l’outrecuidance de croire que nous sommes Son
ultime Projet.
    Elle se laissa aller contre le
dossier de son fauteuil et asséna :
    — Vous êtes fou.
    — Peut-être. Dieu est infini.
Il

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