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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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si
les jours des Clairets avaient continué de s’écouler paisiblement, si elle
avait été condamnée sa vie durant à interpréter le rôle d’une bernardine.
    — Ma mère… pardon, madame, je
m’en veux tant. Je vous ai incitée, bien involontairement, à croire à
l’innocence de ce lépreux. Un monstre qui a failli vous tuer, nous tuer. Je
suis impardonnable !
    — Non pas. Vous avez, par
bienveillance, cru que l’on tentait de les incriminer. C’était fort plausible.
Après tout, quels meilleurs boucs émissaires que les scrofuleux ? Éloi
était un tueur. La lèpre n’y a rien changé, si ce n’est, peut-être, le pousser
aux extrêmes. Pourquoi certains d’entre eux deviendraient-ils meilleurs alors
qu’ils souffrent, que la mort rôde en permanence autour d’eux et qu’ils sont
traités pis que des animaux féroces ? Maintenant que cette vile âme a
disparu, ils sont fort calmes. Cet inquiétant Ours n’est pas un maudit. C’est
une tête brûlée, un lourdaud sans beaucoup de cervelle, comme on en rencontre
bien souvent. Rien de plus. Voyez-vous Alexia, peu d’entre nous, très peu,
franchissent la frontière qui les séparera à tout jamais de Dieu. Pour les
autres, la Voie reste toujours ouverte.
    — Est-elle toujours ouverte
pour elle ?
    Plaisance n’eut nul doute qu’elle
faisait allusion à Hucdeline de Valézan.
    — Je ne le crois pas, et mon
cœur saigne. Je ne veux pas imaginer l’au-delà qu’elle s’est réservé. Vous avez
commis une erreur par bonté, j’en ai commis une, bien plus grave, par sotte
candeur. Elle a payé le remplacement de la cliquette, ce qui prouve qu’elle
savait qu’Éloi avait étranglé Angélique. Je crois également qu’elle a compris
qu’il avait brisé la nuque de Claire Loquet avant de la violer. Je cherche… Je
lui cherche des excuses, des atténuations, de toutes mes forces. Je n’en trouve
aucune, et cela me désespère.
    — Peut-être fait-elle partie de
ceux qui ont franchi la frontière.
    — Peut-être. Dieu jugera. À
vous revoir avant votre départ pour Mortagne, Alexia. Je vous souhaite le
meilleur, vous le méritez.
    Une ombre passa sur le visage de la
ravissante jeune femme qui avait été une de ses filles. Elle déclara d’un ton
très doux :
    — Je ne sais ce qu’il adviendra
de moi. J’ignore si j’ai encore de la famille. Je vous avoue… je vous avoue que
je redoute la suite.
    — Il est bel homme,
d’excellente réputation et de valeureux sang. Il est fort et doux, séduisant…
mais redoutable.
    — Ma mère ! s’exclama
Alexia, le fard lui montant jusqu’au front.
    — Allons ma fille ! Que
croyez-vous ? Que je suis une oie blanche ? Peut-être, mais je sais
comment se font les enfants tout comme je sais que nous avons besoin de preux
petits Mortagne.
    Alexia, qui pourtant connaissait le
monde et les hommes, se sentit soudain une pudeur de pucelle. Elle bafouilla
avant de s’enfuir :
    — J’ai déposé le second rouleau
du diptyque dans votre ouvroir.
     
    Plaisance avait récupéré la Vierge
de sa chambre afin de la juxtaposer au deuxième panneau étalé sur sa grande
table de travail. Sur le premier rouleau souriait tendrement la Vierge assise sur
un rocher, diaphane et blonde. Elle tenait l’enfant divin dans son bras droit
replié en berceau. Ses cheveux tombaient en voile ondulé jusqu’à ses pieds. Le
visage de trois quarts, elle tendait la main gauche en direction d’un soldat en
armure dont on n’apercevait qu’une genouillère hérissée de plaques de métal et
le bout d’un gantelet. Sur le second panneau, l’homme de guerre coiffé d’une
barbute baissait la tête. Du sang souillait la pointe de sa pertuisane.
    Penchés au-dessus de la table de
travail, Mortagne et l’abbesse les étudiaient depuis une heure. Ils avaient
scruté chaque trait du soldat, examiné son armure, en vain. Mortagne avait
approché la toile de la fenêtre, cherchant si une autre scène avait été
recouverte de cette représentation religieuse.
    Rien.
    — Peut-être me suis-je abusée,
souffla d’exaspération l’abbesse. Peut-être cette intuition que j’ai ressentie
était-elle trompeuse ?
    — En ce cas, pourquoi Alfonso
de Arévolo aurait-il insisté, alors qu’il expirait, pour que sa dame de cœur
fuie et emporte le diptyque, ainsi que me l’a relaté mademoiselle de
Nilanay ? argumenta Mortagne, le regard rivé à la hallebarde. Une telle
exigence indique son extrême

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