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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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difficultés financières actuelles de Rome.
    Un vague sourire étira à nouveau les
lèvres d’Agnès Ferrand, la sœur portière. Les rumeurs ne tarissaient pas au
sujet du nouveau souverain pontife, élu un an auparavant. Sa vaste intelligence
et son sens aigu de la diplomatie étaient connus depuis longtemps. En revanche,
nul n’avait soupçonné, avant son élection, son extrême prodigalité vis-à-vis
des membres de sa famille. Pas le moindre petit-cousin n’était exclu de sa
libéralité, et se retrouvait bien vite évêque ou cardinal. Clément le
munificent dépensait sans compter afin de combler de présents fastueux ses
proches. La table qu’il tenait ouverte à ses alliés faisait pâlir d’envie les
souverains les plus raffinés d’Europe. À coups de dizaines de milliers de
livres, le nouveau pape avait entrepris la titanesque construction d’un château
sur la petite seigneurie de Villandraut où il était né [54] . L’on disait
qu’une fois les travaux achevés, sa somptuosité n’aurait rien à envier aux
palais byzantins. Quant aux réfections de cathédrales et d’abbatiales, elles
allaient bon train.
    Plaisance ignora la réaction de la
portière, peu désireuse de devoir justifier les incessantes dépenses de Rome,
donc de son parrain qu’elle n’avait jamais rencontré.
    Aude de Crémont, la boursière, lâcha
avec un sens coutumier de l’insinuation :
    — Je ne suis pas certaine
d’avoir saisi. Faut-il que les Clairets contribuent à la construction d’une
sorte d’annexe à la ladrerie de Mortagne ?
    Plaisance se souvint de la phrase
sibylline prononcée par madame de Normilly au sujet de la frêle et pâle
miniature de trente ans, à la jolie bouche en cœur : « Aude est une
pluie d’été. On l’espère. Pourtant, elle ne rafraîchit que rarement. » Elle
se contenta d’un peu compromettant :
    — Cette éventualité n’a pas été
évoquée.
    Hucdeline de Valézan comprit
aussitôt où n’osait en venir l’abbesse.
    — Ma mère, ne nous dites pas
que le roi et… votre parrain envisagent de nous confier la garde de certains
des malades ?
    — Notre bien-aimé Saint-Père,
rectifia Plaisance, en accord avec notre souverain, que Dieu le protège, a opté
pour une solution temporaire et nous charge effectivement de soigner et de
soutenir une cinquantaine des scrofuleux de Chartagne. Un chanoine de
Saint-Augustin les visitera et leur offrira l’apaisement spirituel. Le comte
Aimery, œuvrant à nous décharger au mieux, propose de les faire accompagner par
son mire [55] ,
un sieur Étienne Malembert. Puisque l’on souhaite mon sentiment au sujet de sa
venue, j’entends refuser. Je ne doute pas de l’excellence de praticien de
monsieur Malembert, cela étant, il s’agit d’un laïc et nous avons notre
médecin. Je pense vous avoir tout dit.
    Un brouhaha fit suite à cette
annonce. Élise de Menoult la fixait. Aliénor de Ludain, la sous-prieure,
tournait la tête en tous sens. Hermione de Gonvray avait baissé le visage et
s’absorbait dans la contemplation de ses mains croisées.
    — Ma mère, tonna la grande
prieure, vous n’y songez pas ! Nous exposer de la sorte à la
contagion ? C’est folie !
    — N’est-il pas de notre devoir
et de nos vœux de servir Dieu en aidant les hommes ? contra Plaisance.
    — Dieu et les hommes sont deux
choses différentes. Nous travaillons à la gloire du Premier… ce qui sous-entend
que nous restions en vie ! L’horreur de ces faces ravagées par le mal, de
ces moignons suintants ! Même les mires et les médecins refusent
maintenant de les approcher à moins d’une toise*.
    Elle porta la main à sa bouche en un
geste d’effroi, puis se signa. Plaisance de Champlois comprit aussitôt qu’elle
tentait de terroriser les autres afin d’affermir son pouvoir. Il lui fallait
réagir très vite, sans quoi le clan des opposantes, des affolées ou des
indécises se réunirait derrière la bannière d’Hucdeline de Valézan.
    Aliénor de Ludain, il fallait s’y
attendre, apporta son concours à la grande prieure en balbutiant d’une voix
incertaine :
    — Enfin… peut-être est-ce bien
hâtif de ma part, mais… il est de fait… que tout le monde redoute maintenant la
contagion… Quelle odieuse défiguration… La terreur qu’inspirent les scrofuleux
est-elle tout à fait justifiée, je ne me risquerai pas à l’affirmer, pourtant…
    — Que savons-nous, ma fille
apothicaire, de la lèpre* et

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