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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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interminables
secondes et ajouta d’un ton neutre :) Marie-Gillette, si vous taisiez un
secret, par crainte ou par pudeur, je vous conjure de me le confier aussitôt.
    — Non pas, ma mère. Nul secret,
en vérité, parvint à affirmer la jeune femme avec un aplomb qui la surprit.
    Plaisance eut le net sentiment
qu’elle se dérobait.
    — Vous pouvez disposer, ma
fille. Je vous charge de l’organisation des obsèques de notre chère sœur.
    — Et le dépotoir ?
    — Votre corvée de semaine
attendra.
    Marie-Gillette croisa dans
l’escalier Clotilde Bouvier – la sœur organisatrice des repas et des cuisines
–, qui lui adressa un sourire désolé en murmurant d’un ton de peine :
    — Pauvre petit ange. Notre mère
m’attend.
    Clotilde n’était pas assise que
l’abbesse attaqua :
    — Alors ?
    — La discrète enquête que vous
avez souhaitée après le soulèvement a porté ses fruits. C’est à n’y rien
comprendre, asséna Clotilde de sa voix ferme.
    — Expliquez-vous.
    — J’ai interrogé tout le monde,
les semainières chargées de l’acheminement des vivres devant La Madeleine, les
aides de cuisines, et jusqu’aux souillons [115] . J’en ai secoué
certains. Je vous l’affirme : les panières étaient pleines à craquer au
sortir de nos cuisines, pleines lorsqu’elles furent posées dans l’allée menant
au clos des lépreux. Mélisende de Balencourt a recueilli quelques témoignages à
l’intérieur. Les ladres avec lesquels elle a discuté lui ont affirmé que le
pain et le fromage sentaient la pisse à l’écœurement et qu’il n’y avait pas de
quoi nourrir vingt ventres avec les provisions. En d’autres termes, tous se
sont donné le mot et nous abusent avec un bel ensemble, ou alors… par une
supercherie que je ne m’explique pas, les miches, les poissons fumés et les
tourtes d’anguille se sont volatilisés. Jusqu’aux mistembecs [116]  ! Je leur en
avais fait préparer une belle quantité pour égayer un déjeuner. Disparus !
Je ne sais qu’en conclure.
    Après le départ de Clotilde,
l’abbesse demeura derrière son vaste bureau, son esprit vaguant. Quelque chose
n’allait pas, elle le sentait au plus profond d’elle, sans toutefois parvenir à
définir son trouble. Tendre Angélique, pauvre agnelle. Une déroutante fatigue
la terrassait. Son impuissance la révoltait contre elle-même. Elle ne parvenait
pas à se défaire d’une effroyable prescience : en dépit des apparences,
tout cela avait un sens. Tout cela ne faisait que commencer.
    Elle se leva en s’aidant des boules
de cristal qui ornaient les accoudoirs de son fauteuil et se traîna jusqu’à sa
chambre, luttant contre le vertige. Elle tomba à genoux en se cramponnant au
rebord de son étroit lit et pria longtemps pour le repos de la petite morte. Un
terrifiant chagrin la submergea. Tout cela avait un sens. La mort, le meurtre
avaient un sens, sombre et inacceptable, mais compréhensible. Elle devait le
comprendre. Il le fallait car alors elle châtierait celui ou celle qui en était
responsable, sans une hésitation, sans une arrière-pensée. Lorsqu’elle se
releva enfin, ses joues étaient glacées de larmes. Son regard frôla la frêle
Vierge blonde suspendue au-dessus de sa couche. Elle comprit. C’était
Marie-Gillette que l’on avait voulu occire, et celle-ci le savait. Si la blonde
Angélique ne l’avait devancée au dépotoir, elle serait toujours en vie.
    Là où le coupable s’était-il rendu
compte de sa méprise ? Marie-Gillette d’Andremont faisait une victime bien
plus convaincante qu’Angélique. On peut, lorsque l’on s’y attache, lire la vie
des êtres dans leur regard. Marie-Gillette avait un passé dont les plaies et
les rides persistaient dans ses iris bleus.
     
    Le pesant malaise qui habitait
Plaisance de Champlois depuis le départ de l’organisatrice des repas et des
cuisines ne s’était pas dissipé. Clotilde Bouvier avait recueilli des
témoignages fiables, elle en était certaine. La grande femme énergique et
cordiale en imposait et ne s’en laissait pas conter.
    Pourquoi cette soudaine avalanche
d’incidents fâcheux et d’événements tragiques, en apparence sans lien ? La
confortable monotonie de leur vie volait en éclats. Cet univers clos, qui
n’avait guère connu de changements depuis un siècle, semblait secoué en tous
sens par une force titanesque et malfaisante. La jeune abbesse soupira et
attira vers elle la petite

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