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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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feu lui monter
au visage.
    — Ma foi… Je me perds moi-même
en conjectures.
    — Avez-vous remarqué comme l’on
avance souvent plus vite dans la résolution d’un problème lorsque l’on joint
ses questions et ses forces ?
    — Il est vrai, admit mollement
Marie-Gillette.
    — Puisque nous sommes en
accord, voici ce que je vous propose. Nous allons nous installer dans mon
bureau, devant une infusion de thym et de lavande et réfléchir… à bâtons
rompus.
    Le ton calme, sans équivoque, de
l’abbesse prouvait que ladite « proposition » était un ordre qui ne
souffrirait nulle dérobade. Marie-Gillette frissonna d’anticipation. Elle
allait devoir mentir. Encore. Néanmoins, cette jeune fille qu’elle avait
jusque-là traitée de gamine l’impressionnait. Il y avait dans son regard d’un
bleu insondable, dans son maintien, quelque chose d’inéluctable. On avait le
pénible sentiment qu’elle vous fouillait sous le crâne.
    Elles quittèrent les bâtiments
qu’occupait l’infirmerie, traversèrent les petits jardins et empruntèrent le
mince passage coincé entre les étuves et l’escalier qui menait aux dortoirs
pour déboucher dans le cloître Saint-Joseph après lequel s’élevait le palais
abbatial. En dépit de sa petite taille, Plaisance de Champlois marchait d’un
pas vif que Marie-Gillette avait peine à suivre.
     
    L’infusion de thym, de lavande et de
cannelle avait refroidi dans le gobelet de Marie-Gillette, sa chaleur happée en
quelques secondes par le froid mordant qui régnait dans le vaste bureau. Elle
avait espéré que l’abbesse commanderait un feu. Espoir vite déçu. La jeune
femme grelottait, crispant rythmiquement ses orteils dans ses gros souliers,
songeant que peut-être il faudrait les lui amputer. Elle détestait cette vie.
Une gigantesque interrogation lui trottait dans la tête depuis quatre ans. Elle
comprenait que des veuves, des désargentées, des laissées-pour-compte, voire
des rebelles, choisissent le cloître. En revanche, pourquoi des femmes devant
lesquelles le destin s’était incliné, leur dispensant qualités et richesses,
renonçaient-elles à tout pour vivre dans un dénuement douloureux ? Ne
pouvaient-elles aimer et servir Dieu que dans l’extrême pauvreté ? Certes,
elle ne connaissait pas la vie d’enfante de Plaisance de Champlois, mais madame
de Normilly et madame de Rotrou avant elle avaient joui d’une vaste fortune.
Les anges s’étaient penchés sur leur berceau pour leur offrir, sans
contrepartie, tout ce qu’une créature humaine pouvait désirer. Une énigme.
Nombre de ces femmes demeureraient à jamais une énigme à ses yeux.
    — Êtes-vous prête ?
demanda l’abbesse d’une voix redevenue paisible.
    — Prête ? Je ne…
    — Prête à me conter la vérité.
    — Je ne comprends pas le sens
de votre demande, tenta de biaiser Marie-Gillette en fixant l’assemblée de
saints faméliques représentée sur le dorsal [114] qui tendait le
mur situé derrière sa mère.
    — Je vous en prie ma fille, il
n’est plus temps. Angélique est morte… et il me faut savoir pour quelle raison.
Vous savez ou… avez vu quelque chose que vous me taisez. J’en mettrais ma main
au feu.
    Marie-Gillette n’hésita qu’un bref
instant. L’abbesse lisait en elle aussi aisément que dans un livre ouvert.
Cependant, il était hors de question de lui révéler la vérité au sujet de son
tumultueux passé. Elle opta pour une confession qui ne le dévoilerait pas.
    — J’ai trouvé sur les lieux une
cliquette que j’ai dissimulée.
    — Pourquoi ?
    — Elle était si visible, posée
là. Si un meurtrier avait souhaité orienter nos soupçons vers le cloître de la
Madeleine et ses nouveaux occupants, il n’aurait pas mieux fait. C’est d’autant
plus simple depuis cette émeute.
    — Je vois, cela étant…
    — Cela étant ?
    — N’excluons personne a priori.
Les ladres – certains d’entre eux – ont montré qu’ils pouvaient nous réserver
d’exécrables surprises.
    — Il est vrai. Toutefois,
admettez que si un lépreux est l’assassin de la tendre Angélique, en plus
d’être un monstre, il est maladroit. De surcroît, et puisqu’elle n’a pas été
violentée, quel mobile aurait-il pu le pousser à cette monstruosité ?
    — La rage envers nous toutes.
Une folie passagère, que sais-je… Quel mobile aurait pu avoir quiconque de tuer
ce petit ange ? (Plaisance fixa sa fille durant quelques

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