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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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ma
chère. Que les cuisines préparent un panier de vivres pour le messager de
monsieur de Mortagne. Vous préviendrez ensuite notre hôtelière ainsi que notre
chambrière, cette bonne Élise de Menoult, de l’arrivée imminente du comte et de
son entourage afin que leur soient préparées les meilleures chambres de
l’hostellerie. J’ignore leur nombre exact. Quant aux cuisines, je m’en
chargerai. Monsieur Aimery n’espère certes pas trouver chez nous table grasse
et dispendieuse, mais nous tenterons de l’honorer en adoucissant notre
habituelle frugalité lors de son séjour.
     

Abbaye de femmes des Clairets,
Perche, décembre 1306, à la nuit
    La lune pleine semblait se diluer
dans un ciel laiteux. Hermione de Gonvray avait requis permission de nuit de
l’abbesse afin de planter les graines de simples dont les vertus thérapeutiques
variaient avec les phases lunaires. La fonction d’apothicaire requérait une
solide connaissance des propriétés des plantes, des doses auxquelles employer
leurs huiles, leurs distillats ou leurs broyats de feuilles sèches ou de
racines, associée à de bonnes notions de botanique et de pratiques culturales.
Ainsi, la cueillette des simples devait être effectuée au printemps, à l’été,
ou en automne en fonction des signes du zodiaque qui les influençaient. En
janvier le gui, en février les bourgeons de bouleau et l’écorce de saule, en
mars les feuilles de pissenlit et de pervenche, en avril les racines de
valériane, le lierre et l’ortie blanche, et ainsi de suite. Les plantes de
Saint-Jean devaient être fauchées avant le lever du soleil afin de leur
conserver leur rosée matinale. Certaines, comme la verveine et la digitale, ne
se prélevaient que de la main gauche. Hildegarde de Bingen* avait même
préconisé que l’on s’adressât en ces termes au hêtre avant d’en couper les
feuilles : « Je coupe ta verdeur parce que tu purifies toutes les
humeurs qui entraînent l’homme sur les chemins d’erreur… »
    En réalité, Hermione n’avait nulle
intention de planter quoi que ce fût. Elle devait réaliser au plus vite une
préparation qu’elle tenait jalousement secrète. L’efficace recette lui était
parvenue grâce à sa mère qui la tenait d’une dame franque de Terre sainte. Les
tragiques événements survenus récemment avaient tant bouleversé leurs vies
qu’elle n’avait pas trouvé un moment pour se consacrer à son ouvrage
clandestin. Il lui fallait faire vite. Si par malheur elle était surprise, elle
aurait bien du mal à trouver un mensonge assez convaincant pour se tirer
d’affaire. Elle frissonna à l’idée du châtiment qui lui serait réservé si
jamais la véritable raison de sa présence dans l’herbarium, à la nuit, était
découverte. Elle récupéra le miel qu’elle avait demandé en cuisine afin de
préparer ses tisanes et potions, et les prunes sèches qu’elle y avait dérobées.
Elle en pressa le jus noirâtre dans une jatte de terre et ajouta le contenu du
pot de miel. Lorsque le mélange aurait longuement réduit sur les braises de la
cheminée, elle ajouterait les autres ingrédients et le tour serait presque
joué.
    En attendant, elle s’installa sur le
banc de pierre taillée sous l’unique fenêtre du petit édifice dans lequel elle
concoctait depuis des années les remèdes qui guérissaient ou apaisaient les
maux, petits ou grands, des moniales. Un lancinant chagrin lui fit fermer les
yeux. Il revenait toujours, comme une ombre fidèle et finalement supportable,
lorsqu’elle s’enfermait à la nuit pour composer sa secrète mixture. Chagrin de
ce qui avait été, de ce qui serait, de ce qui n’adviendrait jamais. Amer et
doux pèlerinage de mémoire qui la maintenait en vie. Jeanne, il fallait s’y
attendre, s’y engouffra. Jeanne, sa sœur aînée. Jeanne la brave, la magnifique
extravagante, seule gaîté de l’enfance par ailleurs sinistre d’Hermione. Jeanne
cédait toujours aux petits caprices de sa cadette. Prétendant la sévérité, elle
finissait par fermer la porte de sa chambre et l’habillait telle une poupée, la
coiffait de rubans en commentant : « Tu es bien coquette, ma petite
mie. Je ne devrais pas t’y aider. Tu sais bien que c’est mal. Mais je ne puis
te résister très longtemps. C’est faiblesse de ma part. »
    Comment ? Comment Hermione
n’avait-elle pas deviné que sous l’adorable nervosité de son aînée, sous sa
joie qui explosait pour une broutille,

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