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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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comme du reste. À vous revoir, sans doute.
    Elle s’inclina en brève révérence,
tourna les talons et se dirigea vers la porte. Un sourire amusé flotta sur les
lèvres de Mortagne. Jolie dame en vérité. Et de caractère, ma foi.
    Son sourire mourut, remplacé par ce
lancinant chagrin qu’il avait appris à dompter. Depuis huit ans. Mortagne était
parvenu à s’en faire un compagnon acceptable, un invité qui certes ne requérait
nul mandement pour s’imposer.
    Anne… Anne ma très douce, mon aimée.
La blessante tristesse de votre mort me ronge depuis si longtemps. Anne, je
vous ai bercée, toutes ces nuits de fièvre, suppliant Dieu qu’il insuffle ma
force dans vos veines. J’étais prêt à mourir pour vous, ma chère et magnifique
épouse. Je l’eusse consenti avec bonheur. Qu’importait ? Si vous viviez,
je devenais immortel.
    J’ai cru devenir fou. Même ce
réconfort me fut refusé. Vous m’avez tant manqué, mon amie, mon amante. Vous le
savez, quelques aimables représentantes de la jolie gent me troublèrent, de
façon passagère. Il fallait cet exutoire à la chair, à l’implacable ennui des
jours et des nuits sans vous. Comment procédiez-vous pour tisser chacune de mes
heures de votre lumière ? Votre rire, mon amour. Votre rire qui me disait
que la vie était un miracle. Je vous ai tant aimé, Anne. Je vous aime tant, ma
mie.
    Je ne sais si… Elle aussi me trouble
depuis que mon regard s’est posé sur elle. Je ne sais, mon ange, ce qu’il
adviendra de cet emportement de cœur. Je vous l’accorde : je cherche un
remède à l’abattement des joies, des envies, des sens où vous m’abandonnâtes.
    Puis-je aimer de nouveau ?
Peut-on aimer deux fois, aussi totalement que je vous aime ? Je n’en suis
pas certain.
    Reposez, mon cœur. Je vous sais
toujours près de moi.
     
    Aimery de Mortagne bondit hors du
lit, tâtant son côté à la recherche de sa dague.
    — Tout doux, monseigneur, ce
n’est que moi. Parlons bas, je vous en conjure.
    — Étienne, es-tu bien
fol ? Un jour, tu te feras pourfendre à m’éveiller ainsi sans prononcer
une parole, chuchota le comte. Que fais-tu dans ma chambre ?
    — Je viens de recevoir dans la
mienne une alarmante visite.
    — Qui ?
    — Jaco le Ribleur. Il court de
grands dangers à nous prévenir. Le récent rapport que me fit à la nuit madame
Élise de Menoult, notre gentille espionne, s’éclaire. Les lépreux comptent
attaquer. Cette fois, ils sont armés et poussés par un fieffé coquin, un
certain Éloi, qui monte la faible tête de leur chef de meute. Jaco redoute un
bain de sang.
    — Selle un cheval dès l’aube.
Galope prévenir Charles d’Ecluzole. Qu’il fasse mouvement vers nous avec notre
troupe.
     
    Lorsque au prix de douloureux
efforts Jaco le Ribleur se rétablit dans l’enceinte du clos des lépreux, il
tremblait. Était-ce la peur, le soulagement, la vivacité de la course ? Il
n’aurait su le dire. Il se faufila sans un bruit dans la salle commune et se
recoucha avec un luxe de prudence, aux aguets, son cœur cognant dans sa
poitrine.
    Éloi souleva les paupières. Bien. Le
Ribleur avait réagi ainsi qu’il l’escomptait. Nul doute que le comte de
Mortagne avait posté ses hommes non loin de l’abbaye. Ils interviendraient en
force dès que leur parviendraient les premiers éclats de la révolte. Le soulèvement
tournerait au carnage, les lépreux n’ayant plus rien à perdre. Il veillerait à
ce que l’Ours se fasse trucider. Et ensuite… la femme. Une morte de plus ou de
moins… Tous y verraient une preuve supplémentaire de la bestialité des
scrofuleux. Tout ce qui importait aux yeux d’Éloi était de demeurer en vie
assez longtemps pour jouir de l’extrême générosité de son bienfaiteur et
donneur d’ordre. Jean de Valézan était homme de grand pouvoir. Il avait promis
de le faire transférer en la maladrerie de son archevêché. Là, il serait traité
avec égards. Un sourire égrillard sur les lèvres, monseigneur de Valézan avait
évoqué des visites de filles qui ne sentiraient pas la catin commune, une
nourriture suffisante et recherchée, des vêtements brodés, et même des serviteurs.
Bref, tout ce que la vie d’un prisonnier choyé pouvait offrir. Au fond, Éloi se
trouvait quelques ressemblances avec son habile commanditaire. Valézan était de
cette race qui n’accorde sa confiance à personne, et dont la seule jouissance
consiste à dominer. Peut-être faisait-il

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