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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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en cuisines pour s’enquérir de l’endroit où elle
pourrait trouver le chasseur.
    Il remisait du bois non loin de la
porterie dite des Fours. Une pelisse sans manches faite de peaux disparates
assemblées de gros points de ficelle et retenue à la taille par une épaisse
ceinture de cuir était passée sur sa tunique de grosse laine lie-de-vin. Il ne
l’aperçut pas tout de suite, et elle le détailla alors qu’il avançait vers
l’appentis, une moitié de tronc d’arbre jetée sur l’épaule. Une force
herculéenne. Lorsqu’il la balança non loin de l’épaisse bille de bois dans
laquelle était fichée une hache, Plaisance sentit la terre vibrer sous
l’impact. Il se retourna et baissa la tête à son habitude. Elle s’approcha de
quelques pas :
    — Petit Jean…
    — Ma mère ?
    — Il me faut votre regard.
    Il hésita et leva le visage. Il était
si grand, si massif qu’elle se fit la réflexion qu’il pourrait la tuer d’un
simple revers de main. Pourtant, étrangement, nulle crainte ne l’habitait.
    Elle était si frêle, si petite.
Pourtant, une force inflexible irradiait d’elle. Une tendresse presque
douloureuse envahit Petit Jean le Ferron. Dieu, qu’il avait tant redouté et
tant appelé de ses vœux les plus désespérés, s’était enfin manifesté à lui.
Dieu l’avait conduit jusqu’aux Clairets. C’était aux Clairets que Petit Jean
devait rembourser sa lourde dette. Une douceur infinie lui venait pour cette
toute jeune fille qui, sans le savoir, lui permettait de laver son âme.
Était-elle un miracle ? Peut-être. Le pressentait-elle ? Sans doute
pas. Quelle importance ? Aucune. Petit Jean était en train de rejoindre
son Dieu, de cela, il était certain.
    — Chasseur, une de mes filles
du cloître de La Madeleine vient d’être retrouvée. La nuque brisée. Elle a été…
enfin, d’après Marie-Lys, notre sœur infirmière… elle ne porte nulle trace de
coups. En revanche, elle a connu charnellement son agresseur. À moins qu’il ne
l’ait… prise après son trépas.
    Il se signa avant de murmurer d’une
voix douce :
    — Son âme repose. Pourquoi…
Suis-je suspect ?
    — Le comte de Mortagne
s’intéressera dans les prochaines heures à tous les hommes de grande force.
(Elle posa la main sur la manche de sa cotte [165] .) Petit Jean, je
vous le demande devant Dieu : avez-vous croisé la route de cette
repentante, hier à la nuit ?
    La petite main pâle et glacée le
brûlait au travers de la grossière étoffe de sa tunique. L’abbesse avait posé
cette question d’une voix amie, sans menace. Elle le rejoignait en Dieu. Il ne
pouvait en être autrement. Il sourit à ce troublant regard aigue-marine et
répondit :
    — Non. Je le jure devant Dieu.
Voyez-vous, madame, je n’aurais pas l’indécence de vous faire accroire que je
suis indemne de péchés. J’en ai commis plus souvent qu’à mon tour, de si
vilains que je trépasserais de honte à vous les conter. La plupart m’ont été
ordonnés, commandés, ce qui ne constitue nulle excuse à mes yeux. Cependant, je
n’ai jamais failli à ma foi.
    Elle soupira, bouche entrouverte,
chuchotant :
    — Je ne puis recevoir votre
confession, n’ayant pas été ordonnée. Je ne sais si je dois m’en désoler.
Peut-être aurais-je pu vous aider. En revanche, je vous sais gré du soulagement
que vous venez de m’offrir.
    Qu’elle ne doute pas un instant de
sa sincérité, qu’elle n’exige rien d’autre de lui qu’un serment le dédommagea
d’années de blessures, et il eut envie de tomber à ses genoux en infinie
gratitude. Il se retint parce qu’il lui aurait alors fallu abandonner la
brûlure délicieuse de cette main posée sur sa manche.
    — Petit Jean, quel commerce
aviez-vous avec Hucdeline de Valézan, la nuit où vous la rencontrâtes à la
porterie des laveries ?
    — Je devais lui remettre un
message de son frère, monseigneur Jean.
    Elle eut le sentiment qu’un filet
malfaisant se resserrait autour d’elle. Pourtant, elle ne douta pas que le
chasseur la protégeait.
    — En connaissiez-vous la
teneur ?
    — Non, mentit-il, car alors il
lui aurait fallu avouer le reste, et la main aurait disparu à jamais.
    Le reste était son affaire. Cette
très jeune fille ne le saurait jamais, s’il pouvait l’éviter. C’était un cadeau
qu’il offrait à ce regard, afin que jamais sa lumière ne ternisse.
    — Il me faudra rapporter notre
échange au comte de

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