Montségur et l'enigme cathare
vraie place. À notre époque, trop nombreux sont les
personnages qui se prétendent druides et qui animent des cérémonies en l’honneur
du soleil tant aux solstices qu’aux équinoxes. Ils font même de la Saint-Jean d’été
une grande fête celtique héritée de la nuit des temps. La nuit des temps est le
mot qui convient : les Feux de la Saint-Jean sont un héritage des
anciennes civilisations qui ont précédé les Celtes sur le continent européen, mais
ils n’ont absolument rien à voir avec les Celtes. Dans aucun document
concernant les Celtes, on ne peut trouver de référence à une fête solaire qui
aurait été célébrée au solstice. Les fêtes celtiques sont bien connues : elles
se déroulent toujours quarante jours après un solstice ou un équinoxe, au début
de novembre, de février, de mai et d’août. Les monuments qu’on pourrait classer
comme solaires , par exemple le temple
circulaire de Stonehenge ou les alignements mégalithiques de Carnac, appartiennent
à une civilisation bien antérieure à l’arrivée des Celtes. Il est quand même
fâcheux que des personnes qui se prétendent druides puissent ignorer une telle
réalité historique, et cela seul devrait jeter le discrédit sur leur soi-disant
filiation druidique. En fait, dans le culte, comme dans la mythologie des
Celtes, tout ce qui se rapporte au soleil paraît bien être un héritage d’une
civilisation antérieure, plus ou moins intégrée par les Celtes.
Car il existe des éléments solaires dans la tradition
celtique, mais très discrets, et d’une signification ontologique. Certes, il y
a un dieu que César compare à l’Apollon gréco-romain. Mais César n’en parle pas
comme d’un dieu solaire : c’est une divinité guérisseuse, une divinité des
sources, conforme d’ailleurs à la vision qu’en avaient les Grecs. Cependant, cet
Apollon celtique porte, en Gaule et en Grande-Bretagne, des épithètes caractéristiques :
Grannus et Belenus. Belenus (Belenos) est facile à comprendre : cela veut
dire « brillant ». Quant à Grannus, on y retrouve le même radical que
dans le mot gaélique grian qui signifie « soleil ».
Il est d’ailleurs très vraisemblable que Belenos soit présent dans la toponymie
du pays cathare, sous la forme de Bel (comme dans Belesta), ce terme étant
souvent confondu avec l’adjectif qui signifie « beau », et qui n’est
pas d’origine latine. Mais le nom de Grannus est bien reconnaissable dans le
village de Granès, près de Rennes-le-Château. En réalité, la fonction solaire
de la divinité, son rayonnement , son caractère émanant , apparaissent davantage dans une
figuration féminine, une antique déesse Soleil dont les aspects, quelque peu
altérés, sont devenus ceux d’une héroïne légendaire bien connue, la blonde
Iseult.
Belenos a en effet en Gaule une sorte d’équivalent féminin, Belisama,
dont le nom (qui est celui de la ville de Bellême, dans l’Orne) est un
superlatif signifiant « très brillante ». On la connaît par plusieurs
inscriptions de l’époque gallo-romaine, en particulier sur une pierre trouvée à
Saint-Lizier, dans l’Ariège, qui l’assimile à la Minerve latine. Mais en
Grande-Bretagne, cette même Minerve est identifiée comme étant la déesse Sul, dont
le nom ne fait aucun doute : il s’agit d’une déesse Soleil. N’oublions pas
que dans les langues celtiques et germaniques, le soleil est du genre féminin
et la lune du genre masculin, ce qui fausse bien souvent les interprétations
des grandes légendes. Ainsi, Siegfried, le personnage central des Nibelungen , n’est-il pas un héros solaire, mais un « homme-lune »,
et c’est la valkyrie Brunhild, ou Sirgdryfa, présentée comme prisonnière dans
une citadelle entourée de flammes, qui est la femme-soleil [30] .
Il en est de même pour Iseult.
Le prototype du personnage d’Iseult est en effet une héroïne
irlandaise nommée Grainné. Il n’est guère difficile d’y reconnaître le mot
gaélique grian : et dans la légende, Grainné,
femme du roi Finn, qui est tombée amoureuse du beau Diarmaid – lequel n’est pas
amoureux d’elle – oblige celui-ci, par le moyen du redoutable geis , formule incantatoire sacrée et magique, à la
suivre et à l’aimer, de telle sorte qu’il ne puisse plus se passer d’elle. Or, si
l’on analyse la légende de Tristan et Iseult, on en arrive à la même trame :
au début, Tristan n’est pas amoureux
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