Montségur et l'enigme cathare
potentialité. Mais il n’y a pas de chute des Anges :
il y a évolution. Donc, la matière n’est pas le Mal, elle n’est même pas le
support de la remontée des âmes vers le Paradis de Lumière, elle est l’autre
visage de l’Être, le premier étant l’Esprit. Sur ces données, il est bien
difficile de constater une unité de vues entre Cathares et Druides. Quel que
soit le degré de dualisme affiché par les Cathares, et même s’il débouche sur
un monisme déguisé, et seulement accessible aux théologiens, on constate une incompatibilité
entre les deux systèmes. Pour les Celtes, Dieu n’est pas, mais il devient à
travers la Matière et l’Esprit qui sont identiques d’essence mais différents de
forme, tandis que pour les Cathares, Dieu était ,
et, après la chute des Anges qui affaiblit sa Lumière, il redevient par l’Esprit, en niant la Matière qui n’est
qu’illusion.
En dépit de points de rencontre, les deux conceptions sont irrémédiablement
contradictoires. Aucun Druide, si tant est qu’il y en eût encore, n’est devenu
cathare. Tout le reste n’est que rêverie ou délire.
III
UN CULTE SOLAIRE ?
Montségur est un site qui n’attire pas seulement les
amateurs de mystères, les nostalgiques des Cathares ou les chercheurs de Graal.
Depuis 1244, le lieu est devenu une sorte de symbole de la résistance de la
civilisation occitane contre les empiètements et finalement la colonisation de
la civilisation de langue d’oïl. Là, c’est un fait historique et non plus une
série d’hypothèses sur un quelconque secret.
Le monument érigé au bas du pog est révélateur : il mémorise un acte d’intolérance. Et par là, il fait
appel à la conscience morale de l’humanité. Ce n’est peut-être pas à Montségur
que l’Occitanie a cessé d’être un pays à part entière, ce serait plutôt à Muret.
Mais l’holocauste de Montségur parle davantage à cette conscience morale. Oui, c’est
certain, les Cathares et les Occitans de tous bords, sujets du comte de
Toulouse ou du comte de Foix, ont perdu ici leur indépendance, comme les
Bretons, à la fin du XV e siècle, à
Saint-Aubin-du-Cormier. Le bûcher de Montségur est devenu l’image la plus
simple, la plus complète, d’un triomphe de l’hégémonie française sur une
Occitanie différente . Au fond, Montségur se
présente comme un véritable monument aux morts. Mais on y honore des morts pour rien . D’où la tristesse de ce lieu. Cela
explique pourquoi, actuellement, Montségur constitue un lieu de pèlerinage pour
tous ceux qui ont pris conscience qu’on les avait privés de leur âme.
Les Occitans sont un peu comme les Cathares : le diable
les a surpris alors qu’ils étaient endormis, et il les a enfermés dans une
matière qui n’était pas la leur, qui leur était étrangère. Pèlerinage désespéré,
par conséquent, avec un regard nostalgique sur les montagnes auréolées de brume :
il y a, quelque part au bout de l’horizon, comme l’ombre d’un pays perdu qui
fait souffrir ceux qui le discernent encore à travers les turbulences de la
mémoire.
Et pourtant, le vent apporte d’étranges voix. Et le soleil, derrière
les crêtes, se glisse comme une sirène hors des eaux profondes…
Sur le pog de Montségur, au
matin du solstice d’été, et presque exactement deux jours avant et deux jours
après, ceux qui se lèvent tôt – et ils sont nombreux en cette occasion – et qui
ont le courage, ou la passion, d’aller jusqu’aux ruines du château, sont
témoins d’un fait d’une réalité incontestable : le premier rayon de
lumière, surgissant des ténèbres, loin vers l’est, frôlant le pic de Bugarach, traverse
de part en part les archères du donjon.
Ce n’est évidemment pas un hasard. À Stonehenge, cet étrange
monument circulaire de la plaine de Salisbury, en Angleterre, qui passe pour un
sanctuaire solaire datant de l’époque mégalithique et complété à l’âge du
Bronze, le premier rayon du soleil levant, lors du solstice d’été, vient
frapper la pierre centrale en suivant la direction d’une sorte d’allée
cérémonielle. Diodore de Sicile, qui signale le monument, raconte que la tradition
locale fait descendre Apollon tous les dix-neuf ans dans l’enceinte de
Stonehenge. L’espace de temps correspond d’ailleurs à un cycle solaire qui sera
réutilisé par les chrétientés celtiques. Et l’on trouverait facilement d’autres
exemples de cette
Weitere Kostenlose Bücher