Montségur et l'enigme cathare
peu près identiques.
Au Moyen Âge, que l’on soit cathare, catholique orthodoxe, hérétique, ou
héritier d’une antique tradition, on ne construit jamais un sanctuaire, une
forteresse, ou même une simple demeure, sans se référer à des critères
religieux, astrologiques ou magiques. C’est une loi du temps, et les bâtisseurs
de cathédrales, consciemment ou non, suivaient une tradition solidement assurée :
il y allait avant tout de la réussite du travail entrepris, et il est certain
que ces règles essentielles, transmises de génération en génération dans les
corps de métiers, avaient tendance à devenir ésotériques ,
c’est-à-dire à n’être connues que des membres de la confrérie. D’où leur aspect
quelque peu énigmatique, d’où le « secret » qui les entourait : quand
on connaît une bonne recette, on ne la transmet pas à n’importe qui, c’est un
phénomène qui n’a rien d’exceptionnel.
Il faut donc examiner avec les plus grandes précautions l’hypothèse
qui fait de Montségur un temple solaire.
D’abord, on n’a jamais trouvé une seule preuve archéologique
de la matérialité de ce temple. L’architecture intérieure n’offre rien de
caractéristique, et les objets découverts dans l’enceinte ou dans le village, y
compris les fameux pentagrammes, ne signifient rien de précis. Certes, les
défenseurs de l’hypothèse solaire ont beau jeu de dire que l’Inquisition a fait
disparaître toutes les traces d’un culte vraiment trop hérétique pour être
conservé même dans la mémoire. Mais les registres de l’Inquisition, pourtant
bien fournis en témoignages et en accusations, ne comportent aucune mention d’un
culte soi-disant solaire. S’il y en avait eu un, les Inquisiteurs n’auraient
certes pas manqué de le signaler et d’en faire bon usage contre les accusés. Si
des cérémonies rituelles analogues aux pratiques manichéennes – ou même
mazdéennes – avaient eu lieu à Montségur ou en d’autres endroits fréquentés par
les Cathares, cela se saurait.
Bien sûr, les partisans de l’hypothèse solaire répliquent à
ces arguments négatifs que ces cérémonies étant secrètes, elles n’ont pas
laissé de traces, et les Parfaits, qui étaient les seuls à y participer, se
sont bien gardés de révéler quoi que ce soit à leur sujet. C’est pratique :
on affirme l’existence d’une chose sur le simple argument que personne n’a
parlé de cette chose. C’est ce qu’on appelle un sophisme.
Ensuite, il y a quelque chose de plus grave : un culte
solaire, quel qu’il soit, est un élément cérémoniel d’une certaine importance. Or
tous les documents sur les Cathares démontrent que ceux-ci ont toujours réduit
au minimum le rituel. Les prières, l’administration du consolamentum et les réunions fraternelles au cours
desquelles on écoutait des sermons, tout cela s’accomplissait dans la plus
grande simplicité, et n’importe où , les
Cathares n’ayant pas de temples. D’ailleurs, l’idée même d’un temple bâti est
contradictoire avec leur doctrine, puisque la matière est création diabolique. Envisager
que Montségur ait pu être un sanctuaire dédié au soleil relève de la fantaisie
la plus délirante, car cela constituerait une sorte de défi à la pensée cathare.
Reste l’explication par le symbolisme solaire. Et là, l’hypothèse
peut se soutenir avec plus de vraisemblance.
Car il est exact que Montségur a été bâti en fonction de certaines
orientations solaires. Il est exact que le soleil joue un rôle symbolique dans
la mythologie des Cathares : le soleil est l’image de la Lumière
originelle qui a engendré toutes les créatures, et c’est le témoignage encore
visible de l’appartenance spirituelle de toute créature à cette Lumière
originelle. La croix grecque utilisée par les Cathares, ou la croix hélicoïdale,
sont des signes solaires incontestables, et l’ancienne croix des Volques
Tectosages également. Il n’y a là rien d’étonnant, ni d’exceptionnel : le
triskel celtique et la swastika devenue germanique (mais en fait indienne) sont
aussi des figurations solaires, et toutes les traditions ont vu dans le soleil
une représentation divine.
On sait que le culte solaire a atteint son plus haut degré
au cours de l’Âge du Bronze, c’est-à-dire entre – 2000 et – 700, en particulier
dans le nord de l’Europe, sur les rives de la Baltique. De cette époque datent
de
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