Montségur et l'enigme cathare
nombreux objets cultuels, comme des barques et des chariots solaires mettant
en relief le rôle générateur attribué à l’astre du jour, voire son rôle
psychopompe. Cette religion (ou ces religions) de l’Âge du Bronze a été récupérée
ensuite par les civilisations nouvelles, et c’est ainsi qu’on retrouve des
cultes solaires un peu partout dans les différentes traditions religieuses de l’Asie
et de l’Europe. Parmi ces traditions, on a vu que les formulations mazdéennes, par
leur simplicité et leur imagerie à la portée de tous, ont fortement imprégné un
courant de pensée dualiste qui aboutit aux Cathares en passant par les
zélateurs de Mithra, les Manichéens et les Bogomiles : et tous
pratiquaient, d’une façon ou d’une autre, un culte en l’honneur du soleil ou se
servant de l’image solaire comme support d’un enseignement. Chez les Celtes, si
l’existence d’une liturgie solaire ne peut être prouvée, on sait que les thèmes
mythologiques se référant à une divinité solaire féminine étaient nombreux et
bien connus dans la tradition et que ces thèmes ont survécu aux Celtes, ne
serait-ce que dans les romans dits arthuriens qui empruntent leur trame aux
récits oraux des anciens Bretons et Irlandais.
Et le christianisme officiel n’a pas manqué, lui aussi, d’emprunter
des éléments aux anciennes liturgies solaires. Le Christ rayonnant n’est pas
autre chose que l’actualisation des anciennes croyances : Jésus mourant
sur la Croix et ressuscitant ensuite, c’est le Sol
invictus des mazdéens et des zélateurs de Mithra, le Soleil divin qui
meurt et qui renaît, entraînant avec lui l’ensemble des êtres et des choses. D’ailleurs,
ce n’est pas pour rien qu’on a placé la fête commémorative de la naissance de
Jésus le 24 décembre. D’abord, cela correspondait à la naissance
symbolique de Mithra, surgi de la Terre-Mère, et à la fête romaine des
Saturnales, où l’on assistait à un renversement des valeurs. Le 24 décembre
est en effet l’époque où le soleil, après sa lente descente vers l’hiver et la
nuit, change de cap et revient vers l’été. Et l’on n’est pas très sûr que le
mot Noël provienne du latin Natale ( die ) :
il se pourrait fort bien que le terme soit issu du grec neo hellos , c’est-à-dire « nouveau soleil ».
Une telle étymologie, qui a toujours été écartée par les tenants de l’Église
officielle, si elle était authentique, remettrait pas mal de choses à leur
place véritable, la naissance de Jésus étant
identifiée réellement à la remontée du soleil.
Il n’y a en tout cas rien de contradictoire entre la naissance d’un enfant
divin dans une grotte , naissance célébrée par
les Anges , par les Bergers ,
puis par les Mages , et la prise de conscience
d’un renouveau universel au moment où le Soleil, astre visible dispensateur de
lumière et de chaleur, donc de vie, reprend son ascension dans le ciel.
Le problème demeure cependant sans solution pour ce qui est
des Cathares. Eux qui étaient ennemis de toute matérialisation outrancière, qui
répugnaient à des cérémonies jugées trop « païennes », trop « diaboliques »,
pouvaient-ils admettre qu’à certaines époques on pût se mettre en communion avec la lumière solaire, ne fût-ce que sur
un plan nettement symbolique ? Si c’est le cas, il est normal que nulle
mention n’en soit faite dans les textes doctrinaux : cela concernait
uniquement la pratique individuelle et n’entrait pas en ligne de compte dans la
nomenclature des croyances. Il existe toujours une marge entre la doctrine d’une
religion et la façon dont cette doctrine a été appliquée, et souvent, les
pratiques religieuses des fidèles semblent en désaccord profond avec l’enseignement
théorique. Peut-on alors imaginer que certains Cathares, plus conscients que d’autres
de leur appartenance au courant manichéen, se soient livrés à des pratiques
cultuelles dites « solaires », pratiques considérées avant tout comme
des expériences ascétiques ?
La question mérite d’être examinée, surtout si l’on se
réfère à Montségur, à la particularité du donjon (ou de ce qu’on appelle le
donjon) dont les archères sont traversées de part en part par les rayons du
soleil au solstice d’été. À vrai dire, c’est le seul élément réellement porteur
de signification, et il permet, par comparaison avec d’antiques traditions qui
ne sont
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