Montségur et l'enigme cathare
choses.
Il y a, en tout cas, chez les Nordiques comme chez les
Cathares, l’expression d’une lutte inexpiable entre les deux principes, entre
la Lumière-Feu et les Ténèbres-Froid. Les âmes des Anges déchus sont endormies,
engourdies dans la froide obscurité du royaume de Satan, c’est-à-dire dans la
Matière. Seules les âmes frôlées par le Feu divin, émané du royaume de Lumière,
peuvent se réveiller et répondre à l’appel. Et l’on comprend que peut-être, à
la fin des temps, le triomphe du Feu qui caractérise l’eschatologie
germano-scandinave sera la victoire finale des Êtres de Lumière sur les Êtres
de la Nuit : Baldr, qui est sans doute le même personnage que Batraz, renaîtra
de sa chaleur, comme le Phénix des légendes méditerranéennes. Mais à quel prix ?
Au prix du renoncement suprême, de l’anéantissement de toute substance
terrestre, et même plus : de l’extinction totale de la race humaine, celle-ci
n’étant que la prison provisoire, transitoire et corruptible de cette Lumière
primordiale. En un sens, dans la mythologie germano-scandinave, l’Homme nouveau
ne peut être que différent, et il n’apparaîtra qu’au prix d’une gigantesque
conflagration. Cette idée existe dans la doctrine cathare : la
purification absolue ne se fera que par le feu. Et cela justifie l’attitude des
Parfaits se précipitant dans les flammes du bûcher de Montségur en chantant des
hymnes à la gloire de la Lumière.
Purification, tel est le maître mot.
Dans l’optique cathare, cela semble logique à partir du moment
où le monde matériel est expliqué par une chute d’un état primitif angélique à
un état diabolique. Mais cette notion est absente dans la tradition
germano-scandinave : au début, était le Chaos, et c’est de ce Chaos qu’a
surgi lentement la conscience. Mais une fois mise en mouvement, cette
conscience ne peut plus s’arrêter, et elle doit aller jusqu’aux plus extrêmes
limites, se dégager de cette gangue qui l’enserre de toutes parts, se purifier
au cours de l’affrontement que représente la vie avec toutes ses vicissitudes. On
peut lire d’étranges réflexions dans La Cour de
Lucifer , ce livre d’Otto Rahn qui est en réalité un peu son journal de
voyage lors de son séjour en pays cathare :
« Je suis venu du Nord. Je veux aller vers le Sud. À peine
commencé-je mon voyage que je tourne de nouveau mes regards vers le Nord. Vers
le “Minuit” où il est dit que se trouvent la montagne du Rassemblement, et la
Couronne. » Et encore : « Demain, vers cette heure-ci, je
roulerai donc vers le Sud avec dans le cœur le désir d’éclairer ces ténèbres
autant que je le pourrai. Qu’il me soit accordé d’être un “porteur de lumière” ! »
Paroles d’illuminé, sans doute. L’œuvre d’Otto Rahn ne possède
aucune valeur scientifique ou même ésotérique. C’est un ramassis de rêveries
confuses et d’observations fausses, mais révélateur. Car les paroles d’Otto
Rahn sont celles d’un missionné , de quelqu’un
qui croit de bonne foi retrouver un lieu idéal où la Lumière vaincra les
Ténèbres. Pour lui, ce lieu sera Montségur, la forteresse sur la hauteur, là où
le soleil levant du solstice pénètre dans la « chambre de méditation ».
Là peut se produire symboliquement la purification, la régénération.
La connotation est évidemment suspecte, surtout si l’on sait
que Rahn appartenait à la S. S. Derrière cette mission d’Otto Rahn se profilent des ombres inquiétantes.
C’est d’abord l’étrange Hans Horbiger, auteur d’une théorie
quelque peu fumeuse sur l’origine et l’évolution du monde. Car la pensée de
Horbiger, avec l’affirmation de l’existence primitive d’une énorme accumulation
de glace cosmique, son histoire de l’humanité centrée autour d’une lutte
perpétuelle entre la glace et le feu, entre la force de répulsion et la force d’attraction,
représente une réactualisation, au début du XX e siècle,
de la mythologie germano-scandinave dans une optique raciale guère éloignée de
celle du national-socialisme. D’ailleurs, Horbiger fut très à l’honneur dans l’entourage
de Hitler. Un écrivain allemand, Elcmar Brugg, écrivait en 1925 un vibrant
hommage à Hans Horbiger : « Le mérite impérissable d’Horbiger est d’avoir
ressuscité puissamment la connaissance intuitive de nos ancêtres par le conflit
éternel du feu et de la glace,
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