Montségur et l'enigme cathare
la
matière, opère son réveil et reçoit les rayons bienfaisants de la Lumière
originelle. Le passage en ce Château dans les Airs, matérialisation d’une
réalité beaucoup plus subtile, beaucoup plus absconse, est une étape nécessaire
pour parvenir à la réintégration de l’âme angélique dans sa plénitude
originelle. Et cette « Chambre de Soleil » ne peut se trouver que dans le ciel, dans une île au milieu de l’océan, ou
à la rigueur, sur le sommet d’une montagne.
C’est le cas de Montségur.
Il est fort possible que la fameuse pièce du donjon qui
reçoit les rayons du soleil au solstice d’été, soit l’illustration architecturale
de ce thème mythologique qui recouvre lui-même une vérité ontologique
essentielle dans la doctrine cathare. Ne parlons pas de temple solaire , ce n’en est certainement pas un, les
Cathares ayant répugné à édifier des sanctuaires à proprement parler. Il s’agit
plus probablement d’un lieu de méditation, d’un lieu sacré certes, mais qui n’acquiert de valeur que dans le cadre d’une prise de
conscience individuelle. À ce moment-là, on pourrait prononcer le mot « initiation »,
mais à condition de le débarrasser de toute connotation rituelle ou magique. Les
Cathares n’ont jamais intégré des éléments de magie dans leur comportement. À vrai
dire, ils ont exclu définitivement tout appel à la magie opératoire qui
caractérise pourtant bon nombre de religions, y compris le catholicisme romain
ou byzantin. C’est d’ailleurs en ce sens d’un refus de tout rituel et de toute
magie qu’on peut considérer les protestants comme les lointains héritiers des
Cathares.
La « Chambre de Soleil » de Montségur est
peut-être le seul secret des Cathares, peut-être même leur seul « trésor ».
Mais ce secret n’a rien d’exceptionnel, rien de mystérieux puisqu’il concerne
une attitude individuelle, une simple méditation que tout croyant peut
accomplir afin de parvenir à l’éveil. Il y a évidemment des rapports entre
cette « Chambre de Soleil » et la « Tombe » où se recueille
l’apprenti maçon avant de paraître devant ses nouveaux frères. Mais il existe
une différence fondamentale : la tombe appartient à l’attirail mythologique
de l’ancienne religion de type tellurique, et c’est au sein de la Terre-Mère
que s’opère la métamorphose ; la Chambre de Soleil appartient à la
mythologie d’une nouvelle religion de type céleste, et c’est dans le domaine de
l’esprit, feu subtil et Lumière immanente, que s’opère la mutation du vieil
homme, l’Ange endormi, en homme nouveau, l’Ange réveillé qui, désormais, acquiert
le désir d’entreprendre son ascension vers les hauteurs incommensurables du
septième ciel.
Ce n’est qu’une hypothèse. Mais elle a le mérite de
restituer à Montségur sa valeur de sanctuaire sans pour autant tomber dans les
pièges de cérémonies solaires parfaitement fantasmatiques et qu’aucun document
concernant les Cathares ne saurait justifier. Les Cathares sont certainement
les héritiers des manichéens et des mazdéens qui, eux, pratiquaient une forme
de culte qu’on pourrait classer comme solaire, avec d’ailleurs toutes les
réserves d’usage, car nous n’en connaissons pas la portée exacte. Mais les
Cathares ont toujours manifesté la volonté d’épurer le rituel et de ne jamais
sacrifier l’Esprit à la Matière. La soi-disant cérémonie manichéenne du 15 mars
1244, à l’occasion de l’équinoxe de printemps, ne semble n’avoir existé que
dans l’imagination des commentateurs du XX e siècle.
Nous n’en possédons aucune preuve. Et une telle cérémonie est contraire à l’esprit
même du catharisme, à son dépouillement, à son austérité.
Par contre, la salle du donjon de Montségur existe réellement,
avec sa particularité. On peut difficilement nier ou passer sous silence une
telle réalité.
Alors, pourquoi ne serait-ce pas une chambre de méditation, une
de ces Chambres de Soleil dont on retrouve les traces dans toute la tradition
orale de l’Europe occidentale, et qui est le prisme symbolique où convergent
les rayons de tous les soleils, matériels ou spirituels, que les mythologies et
leurs dérivés, les épopées et les contes populaires, ont tant de fois placés
comme le but de toute quête humaine vers la Lumière ?
IV
LES CATHARES ET LES NORDIQUES
Depuis une centaine d’années, parmi tous ceux qui se
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