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Montségur et l'enigme cathare

Montségur et l'enigme cathare

Titel: Montségur et l'enigme cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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nom de Rennes est appliqué à notre station
thermale ; on en trouve aisément la raison lorsqu’on examine de près cette
étrange contrée : en effet, ses montagnes couronnées de roches forment un
immense Cromlek de seize ou dix-huit kilomètres de pourtour. » C’était
simple, il suffisait d’y penser. À ce compte, il n’est pas douteux qu’ en y regardant de près , on ne puisse découvrir un
cromlech encore plus impressionnant dans la chaîne des Puys d’Auvergne, probablement
en l’honneur du dieu Lug-Mercure : je préconise qu’un chercheur aussi doué
que l’abbé Boudet – un de ses multiples émules, car il y en a ! – veuille
bien examiner la situation de près . Mais cette
obsession de la pierre gravée à propos d’un peuple qui n’a jamais utilisé l’écriture
est assez surprenante. Vue de près , « une
réunion de fortes roches portant le nom de Cugulhou » prête à une
intéressante interprétation : « Cette masse n’est point en entier
naturelle ; le travail des Celtes ( sic ) y
apparaît fort clairement dans les huit ou dix grosses pierres rondes transportées
et placées sur le sommet du mégalithe. » Après tout, le mot mégalithe veut
dire « grande pierre » et peut s’appliquer à une montagne, mais il
faut admirer au passage l’imprécision de l’observateur qui ne sait même plus s’il
y a huit ou dix grosses pierres rondes sur un site qui est l’une des clefs de
son système. « Heureusement, le nom même de Cugulhou fait la lumière sur ce sujet. Ces roches sont de vrais menhirs (passons…), mais
vilains et ne présentant point la forme ordinaire des autres pierres levées, to cock , relever, redresser, – ugly ( eugly ), laid,
difforme, vilain, – to hew ( hiou ), tailler. » Voilà une étymologie plutôt
acrobatique, et bien entendu entièrement anglaise, avec ceci en prime : un
jeu de mots que le digne ecclésiastique n’a sûrement ni voulu, ni compris, to cock étant, en anglais familier, l’équivalent du
français non moins familier « bander ».
    Du point de vue linguistique ou toponymique, comme au point
de vue historique, l’ouvrage de l’abbé Boudet n’est même pas une plaisanterie :
c’est un invraisemblable tissu de contre-vérités, d’à peu près aberrants, de
niaiseries et de naïvetés que rien ne peut justifier, même si on est enclin à
la plus extrême indulgence. C’est d’ailleurs ce qu’ont compris certains « hermétistes »
ou journalistes attirés par les mystères de Rennes-le-Château et alentours :
bien embarrassés par un texte qu’ils avaient autrefois encensé, ils finissent
par y discerner un cryptogramme génial et subtil. Du coup, l’abbé Boudet
devient un précurseur de Jacques Lacan et son livre est un plan codé pour
retrouver le « trésor » caché dans le Razès, pourquoi pas le trésor
des Cathares. On souhaite bien du plaisir aux amateurs. Et ceux-ci sont fort
nombreux, à ce qu’il paraît.
    On est quand même bien obligé de se poser une question, une
question essentielle : l’ouvrage de l’abbé Boudet constituant une telle
énormité, est-on sûr qu’il ne l’a pas fait exprès  ?
On sait très bien que les grands textes classiques du Moyen Âge, notamment ceux
de Chrétien de Troyes et ceux concernant la Quête du Graal, sont truffés de
chausse-trappes, d’incohérences, de paradoxes, d’impasses, de faux témoignages
et d’exagérations manifestes, et cela du plein gré des auteurs. Ces textes sont
effectivement codés, et il faut de la patience pour démêler l’écheveau qu’ils
constituent tous ensemble . Or, il semble bien
que le livre de l’abbé Boudet soit de même nature et fasse partie d’un tout. Ce
n’est donc pas sur le plan de la linguistique, de l’histoire ou même du jeu de
mots, voire de la contrepèterie, qu’il convient de l’examiner, mais dans un ensemble.
    Car le Razès, s’il constitue une entité propre, un pays spécifique,
ne peut être séparé du reste, c’est-à-dire du domaine cathare, dont, avec le
Sabarthès et la région de Montségur, il est l’incontestable centre. Rechercher
les composantes celtiques du Razès, c’est bien, mais celles-ci sont une sorte
de miroir à travers lequel d’autres images viennent interférer. Quand on s’acharne
à ne considérer que la partie émergée de l’iceberg, on risque de sombrer en
heurtant la partie immergée qui est autrement plus considérable. Or le Razès a
une

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