Montségur et l'enigme cathare
déroutant .
Est-ce l’ultime piège des Cathares ?
Une légende locale de Rennes-les-Bains prétend que lorsque
les rochers de Laval-Dieu se tourneront, alors viendra la fin des temps. Il
existe bien d’autres traditions eschatologiques de ce type un peu partout. Mais,
dans un pays qui a sans doute vu les derniers Cathares d’Occitanie, la fin des
temps ne peut advenir que lorsque la dernière âme humaine aura pu être sauvée :
alors l’humanité aura réintégré l’état angélique qu’elle avait perdu à l’aube
des temps, et les pierres, débarrassées du poids d’un Satan désormais
impensable, pourront se tourner vers la nouvelle aurore.
DEUXIÈME PARTIE
Qui étaient les Cathares ?
I
LE DUALISME
Le catharisme n’est pas une religion qui est apparue brusquement
par suite de la prédication d’un prophète groupant autour de lui un premier
noyau de fidèles qui mettront en pratique les préceptes du maître. Le
catharisme n’est pas ce qu’on appelle une religion « révélée ». C’est
le résultat de la longue maturation d’un courant de pensée qui n’est pas
spécifique du christianisme. Au reste, si les Cathares ont été considérés comme
des hérétiques, c’est-à-dire comme des déviationnistes chrétiens, et traités
comme tels par les tenants de l’orthodoxie, il n’est pas certain qu’on puisse y
voir objectivement une religion chrétienne. À celle-ci, le catharisme emprunte
de nombreux éléments, une certaine tradition, des textes auxquels il fait subir
une relecture, mais on peut difficilement prétendre qu’il s’agisse d’une
véritable déviance de la doctrine chrétienne.
Le courant de pensée dont il est l’aboutissement existe dans
tous les systèmes religieux depuis la plus haute antiquité : c’est le dualisme , c’est-à-dire la thèse selon laquelle l’univers,
et tout ce qui s’y rapporte d’une façon ou d’une autre, sont le résultat d’une
confrontation entre deux principes antagonistes. Cette formulation est
évidemment une simplification : en réalité, les choses sont beaucoup plus
complexes, ne serait-ce que par les nuances apportées dans la conception propre
des deux principes et dans les appréciations faites au sujet de l’action
réciproque de ces deux principes et dans les appréciations faites au sujet de l’action
réciproque de ces deux principes. Dans ce domaine, les spéculations sont
innombrables, et parfois contradictoires. Et les Cathares eux-mêmes, surtout au
XIII e siècle, d’après tous les
témoignages, n’ont pas échappé à ces contradictions.
Car le catharisme ne se présente pas comme une religion
solidement constituée, avec un dogme reconnu et définitif, considéré comme
officiel. Il n’y a d’ailleurs pas de hiérarchie absolue chez les Cathares, comme
dans l’Église romaine. Il y a des « églises » cathares et, souvent, autant
de spéculations divergentes que d’églises. En premier lieu, il existe une
distinction fondamentale entre ceux qui professent un dualisme absolu et ceux
qui penchent pour un dualisme relatif, distinction qui ne peut apparaître que
si l’on aborde le problème le plus près possible de ses origines.
Il est vraisemblable que ce problème a commencé à être formulé
dès que l’humanité, se libérant des trois préoccupations « biologiques »
(se nourrir, se protéger et procréer), s’est mise à réfléchir sur sa destinée. Cela
entraînait fatalement une spéculation qu’on peut qualifier déjà de métaphysique,
puisque la constatation de la mort mettait en évidence un principe nécessairement
mauvais, donc l’idée d’une lutte contre ce principe et une interrogation angoissée
sur ce qui se passe après. Au premier degré, la mort ne se justifie pas : on
n’en est pas encore à considérer la vie et la
mort comme les deux visages d’une même réalité : on constate seulement qu’il
y a la vie et la mort, et que ces deux états sont en flagrante opposition, comme
la nuit est en opposition avec le jour, le froid avec le chaud, la douleur avec
le plaisir.
Toutes les mythologies se font plus ou moins l’écho de ces
premières spéculations métaphysiques. Les mythologies, sous quelque forme qu’elles
soient, épiques ou plastiques, traduisent en images facilement transmissibles
des données abstraites appartenant à une tradition, c’est-à-dire à un ensemble de
croyances, de souvenirs, d’observations et de structures sociales. Il
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