Montségur et l'enigme cathare
tradition vécue dans le quotidien.
Chez les Germains, le monde n’existe que parce que les dieux,
ayant construit la forteresse d’Asgard, refoulent les Géants, puissances de l’ombre,
qui n’attendent qu’une occasion pour se lancer à l’assaut du bastion divin, le
détruire et détruire ainsi l’univers. C’est pourquoi Odhin-Wotan envoie ses
Valkyries sur les champs de bataille des humains pour recueillir l’âme des
guerriers les plus valeureux et les emmener au Valhalla (la Valhöll ), lequel constitue une réserve de combattants,
le rempart nécessaire pour protéger la survie du monde en même temps que son
équilibre. Et cet équilibre est instable, toujours remis en question.
Chez les Celtes, d’après la tradition irlandaise, les dieux,
quels qu’ils soient, doivent continuellement se battre contre le mystérieux
peuple des Fomoré, un peuple très mal défini, qui vit quelque part au-delà des
mers, et qui menace sans cesse l’équilibre du monde. Battus plusieurs fois dans
l’histoire mythologique, les Fomoré réapparaissent à des époques différentes :
ils sont constamment présents dans l’ombre, dans l’inconscient, prêts à surgir
à la moindre défaillance. Leur aspect monstrueux en fait l’équivalent des
Géants, mais ils sont aussi autre chose : la puissance de négation qui
existe chez les dieux eux-mêmes, lesquels, sans leur menace, n’auraient pas la
possibilité d’affirmer leur existence.
La différence entre la tradition celtique et la tradition
germanique est cependant visible dans les conclusions hypothétiques du conflit.
Chez les Germains, Odhin-Wotan sait que la bataille est perdue d’avance et son
action ne vise qu’à reculer le plus possible l’échéance, à gagner du temps. Et
l’eschatologie germanique paraît plutôt sinistre : la destruction du monde
par le feu, avec un seul espoir, peut-être introduit plus tard dans la tradition,
la naissance d’un nouveau monde régi par le fils mystérieux d’Odhin-Wotan, le
jeune Baldr, tué à cause de la perfidie de Loki, mais qui ressuscitera. Chez
les Celtes, par contre, il ne semble pas y avoir d’eschatologie : le
combat final est évité grâce à l’apparition d’un dieu hors classe et hors
fonction, Lug le Multiple-Artisan, qui est à la fois
Fomoré et Tuatha Dé Danann , et qui participe donc lui-même des deux
natures contradictoires.
De toute façon, la rivalité sournoise de Loki et d’Odhin-Wotan
comme la double nature du Celte Lug, pose le problème de fond sous une
apparence anecdotique. Comment une divinité qui, par définition, ne peut être
que parfaite, est-elle amenée parfois à commettre des actions qui semblent
imparfaites. En d’autres termes, comment un dieu peut-il être à la fois bon et
mauvais, puisqu’on suppose que le Bien, sacralisé et placé au plus haut degré
de l’échelle des valeurs, est l’essence même de ce dieu ? Toutes les
religions, tous les systèmes théologiques ont posé comme postulat l’existence d’un
dieu infiniment intelligent, infiniment bon, et l’on ne comprend pas que, tout
à coup, ce dieu bon puisse commettre le mal, ou tout au moins qu’il puisse
permettre l’existence parallèle en lui, ou à côté de lui, d’un être infiniment
intelligent, certes, mais aussi infiniment mauvais.
Tous les théologiens, tous les idéologues de toutes les religions
passées, présentes – et à venir – se sont heurtés – ou se heurteront – au
problème fondamental qui hante l’humanité depuis que celle-ci a pris conscience
de son état, le problème de l’existence du mal. Dans la Genèse, le sujet est
évoqué par l’Arbre de la Science du Bien et du Mal, et le mythe y est très significatif.
Avant de manger le fruit de cet arbre, Adam et Ève étaient heureux au Paradis
terrestre. Après avoir mangé le fruit, ils se sont retrouvés malheureux et ont
été obligés de quitter le Paradis terrestre.
Traduit sur le plan de la psychologie, la chute, quelles qu’en
soient les motivations, et quelle que soit la raison de l’interdit, consiste en
une prise de conscience. On peut comprendre qu’avant, l’humanité vivait dans un
état de parfaite innocence, ne sachant pas discerner ce qui était mal de ce qui
était bien. Un événement s’étant produit – l’être humain se mettant à réfléchir
sur son sort et prenant brutalement conscience d’une dichotomie – tout change :
et il devient impossible de rester plus
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