Montségur et l'enigme cathare
longtemps dans le Jardin du Paradis. On
nous dit qu’Adam et Ève furent honteux de se voir nus, c’est-à-dire dans la
réalité de leur état. Vision insupportable : réveillés de leur rêve doré, ils
s’apercevaient qu’ils étaient imparfaits dans un univers parfait. Il ne leur
restait plus qu’à s’exiler. Le glaive flamboyant de l’Ange n’est pas autre
chose que la conscience qu’ils eurent alors de leur indignité.
Mais cette indignité, ils ne purent la saisir que par
rapport à une valeur supérieure. C’est toujours sur des critères que l’on
construit une attitude d’appréciation. Adam et Ève, quels que soient les
éléments que ces personnages symboliques recouvrent, ont apprécié . Et pour apprécier, il faut avoir conscience . Si, auparavant, ils avaient été
incapables d’apprécier, c’est qu’ils n’avaient pas conscience. Lors de cette
séparation brutale d’avec la quiétude antérieure, ils ont découvert le malheur,
la souffrance, la mort, le Mal d’une façon générale. Mais en découvrant le Mal,
ils ont aussi découvert le Bien, celui-ci étant le souvenir de leur état
antérieur, maintenant projeté en avant comme un idéal à atteindre, un espoir à
vivre, donc une valeur absolue par rapport à la valeur relative qu’ils s’attribuaient.
Allons plus loin : avant la « chute », Adam était un ; après la « chute », il se
retrouve deux . Et pourtant le deux était dans le un .
C’est comme s’il avait, dans le cadre d’un conte fantastique, extirpé de
lui-même son double et que ce double se soit mis à vivre de façon indépendante,
parallèle mais aussi antagoniste. On se souvient du conte de l’ Homme qui a perdu son ombre : à partir du
moment où son ombre s’est mise à vivre de façon autonome, elle n’a plus eu
aucune raison de suivre l’homme de qui elle était l’ombre. Mais l’ombre n’en
est pas devenue pour autant un être à part entière, tandis que l’homme a perdu
une partie importante de ce qui constituait son être. Rien ne va plus, ni pour
l’un, ni pour l’autre.
Le texte de la Genèse, même s’il provoque de nombreux
commentaires et de multiples interprétations, demeure d’une profonde obscurité :
il se borne à constater qu’à un moment de l’histoire des hommes, ceux-ci sont
passés brusquement d’un état d’insouciance à un état de souciance . Les hommes se sont sentis coupables. Coupables
de quoi ? Nous n’en savons rien. Mais qui dit coupable dit faute, et une
faute est indubitablement un manquement à quelque chose, un manquement à une
réalité supérieure.
Le thème de l’Arbre de la Science du Bien et du Mal n’est
pas le seul obscur, dans le texte biblique, à propos de la « chute ».
Quand on nous dit que les Anges, séduits par la beauté des femmes, descendirent
sur terre et s’unirent à elles, engendrant ainsi des Géants qui peuplèrent le
monde avant le déluge, le plongeant dans l’ignominie, on peut se demander, en
dehors de toute explication rationalisante qui ferait intervenir des « extra-terrestres »,
s’il ne s’agit pas d’une fiction symbolisant l’emprisonnement des âmes célestes
dans la matière, élément qui figure en bonne place dans la pensée de Platon, dans
celle de Pythagore et dans les postulats cathares.
Du reste, les Anges qui « connaissent » les filles
des hommes ne sont pas nommés ainsi : le texte parle des « fils de
Dieu », et il n’est absolument pas question, en ce verset VI, 2, des
Chérubins qui, au verset III, 24, gardent le chemin de l’Arbre de Vie. L’angéologie
est confuse dans la Bible, particulièrement dans la Genèse, où l’ Ennemi n’est même pas cité. Ce n’est pas le Serpent
tentateur : celui-ci est seulement « le plus rusé de tous les animaux
des champs que l’Éternel Dieu avait faits » (III, 1). Et si l’on assimile
le Serpent à Satan, on est bien obligé de reconnaître qu’il s’agit d’une
créature émanant de Dieu. Au fait, comment se fait-il que Dieu ait pu créer un
être mauvais ?
Les textes officiels restent muets sur la révolte de Satan, le
plus grand et le plus beau des archanges. D’ailleurs, ils sont également peu
explicites sur l’existence de ces Êtres supérieurs. Les Chérubins apparaissent
brutalement sans qu’on sache qui ils sont. À moins que, partant des fameux Élohim du verset I, 2, que l’on s’efforce de
traduire par « l’esprit de Dieu » alors
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