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Montségur et l'enigme cathare

Montségur et l'enigme cathare

Titel: Montségur et l'enigme cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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qu’il s’agit d’un mot pluriel
signifiant « les seigneurs », il ne faille comprendre que l’Éternel
Dieu de la Bible hébraïque n’est que le premier – primus
inter pares – d’une mystérieuse cohorte d’Êtres supérieurs, archanges, chérubins
et séraphins. Le Serpent ne dit-il pas à Adam et Ève : « Si vous
mangez de ce fruit, vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal »
(III, 5) ? Et après la faute, l’Éternel Dieu prononce ces paroles ambiguës :
« L’homme est devenu comme l’un de nous pour la connaissance du bien et du
mal » (III, 22). Satan n’est aucunement désigné comme le responsable de la
faute, et cette faute ne semble rien en elle-même, sinon procurer la
connaissance du bien et du mal, apanage des Élohim et que ceux-ci se réservaient jalousement.
    Mais cet Arbre de la Science du Bien et du Mal n’est pas le
seul à être interdit. Il y a aussi, dans le Jardin d’Éden, au milieu très
exactement, L’Arbre de Vie , et si l’on
comprend bien, l’on ne peut accéder à l’Arbre de Vie qu’après avoir mangé le
fruit de l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal. Car, dans sa malédiction,
l’Éternel Dieu, après avoir déploré que l’homme ait « dérobé » cette
connaissance du Bien et du Mal, déclare : « Empêchons-le maintenant d’avancer
sa main, de prendre de l’Arbre de Vie, d’en manger et de vivre éternellement »
(III, 22). D’abord, il faut bien constater que cet Éternel Dieu a mauvais
caractère, qu’il est affreusement jaloux et qu’il se conduit en capitaliste
nanti qui n’a pas l’intention de partager son éternité avec les autres. Où
serait le plaisir si tous les hommes faisaient comme moi ?
    Ces versets de la Genèse se réfèrent aux croyances
primitives des Hébreux : pour ceux-ci, en effet, l’âme humaine n’était pas
immortelle, et la seule utilité de la religion était d’établir des rapports
privilégiés entre l’homme et Dieu afin de bénéficier d’une vie la plus longue
et la plus heureuse possible. Le dogme de l’immortalité de l’âme n’a pénétré qu’assez
tard chez les Hébreux, et encore était-il discuté : au temps de Jésus, seuls
les Pharisiens et les Esséniens l’admettaient. L’origine en est évidemment à
chercher dans la philosophie grecque qui, elle-même, avait subi des influences
orientales.
    C’est dire que, dans la Bible, le problème du Mal est
simplifié à l’extrême. D’un côté, les Juifs fidèles à l’alliance conclue avec l’Éternel
Dieu : c’est le Bien ; de l’autre, les Juifs qui ne sont pas fidèles
à l’alliance, mais aussi, les autres peuples : c’est le Mal. Peu leur
importait alors de savoir qui était exactement Satan ou de discuter de son
origine. Le personnage de Satan, sous quelque nom qu’on puisse le rencontrer, est
le résultat d’une influence iranienne, et la légende de Lucifer, le « Porte-Lumière »
déchu et plongé dans les Ténèbres, n’apparaît que dans les gloses chrétiennes. La
portée métaphysique de l’Ennemi était, chez les Juifs, éclipsée au profit de sa
signification pragmatique et utilitaire. D’une façon allégorique, faire le mal,
c’était suivre les conseils de l’Ennemi et s’exposer à la vengeance de l’Éternel
Dieu.
    Il est vrai que les composantes sociologiques ne sont pas négligeables
dans la formation du concept d’un Satan, incarnation du Mal absolu. Car le Mal
est présent dans la vie quotidienne, sous de multiples aspects. La pauvreté, la
souffrance, la maladie et la mort ne peuvent être que des manifestations
évidentes de ce principe abstrait qui aura de plus en plus tendance à prendre
corps – un corps horrible – dans l’imagination.
    Mais si l’on admet que l’immense majorité des peuples s’est
trouvée dans un cadre social régi par le Mal, on peut concevoir que ces peuples
se sont posé certaines questions. On leur disait que les dieux avaient créé le
monde, créé les êtres vivants. Mais, dans leur passivité, ces peuples avaient
quand même conscience d’une injustice : le sort n’était pas le même pour
tous, et certains privilégiés profitaient largement de la vie tandis que d’autres,
le plus grand nombre, travaillaient et souffraient au profit exclusif des
premiers. Ils avaient compris qu’ils vivaient dans un monde mauvais, ou dominé
par de mauvais maîtres. Pourquoi les dieux, qu’on disait immortels

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