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Montségur et l'enigme cathare

Montségur et l'enigme cathare

Titel: Montségur et l'enigme cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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parce qu’il ne
sait pas qu’il existe. Il ne peut le savoir que parce qu’il y a les autres en face de lui. Et ces autres, pour qu’il les
perçoive comme des autres , il faut qu’ils
soient différents . Logiquement, ils ne peuvent
pas être différents dans le sens de la supériorité, puisque Dieu ne serait plus
dieu tout-puissant, infini et parfait. Il faut donc que ces autres soient différents
dans le sens de l’infériorité. Et qui dit infériorité dit manque de moyens, imperfection.
C’est ce qu’il fallait démontrer.
    On en arrive ainsi à établir une identification entre l’imperfection
et le Mal. Et comme ce sont des notions abstraites, toujours aussi
incommunicables, on les cristallise sur un objet. En l’occurrence, cet objet
est le Diable, le Démon, Satan, Lucifer ou quelque nom qu’on lui donne. Il est
le prisme vers lequel convergent tous les rayons du soleil
noir . Et le monde devient le champ de bataille où s’affrontent les
hordes de Satan et les légions angéliques de Dieu. Dans tout cela, l’être
humain n’a plus qu’à choisir son camp. Mais peut-il vraiment le faire ?
    C’est alors que se pose la question du libre arbitre. Si l’homme
est entièrement libre, il peut effectivement choisir, comme l’a toujours
prétendu Pélage. Mais s’il n’est libre qu’en apparence, ce choix lui est imposé
par un destin aveugle, comme dans la tragédie grecque. Et si l’homme n’est pas
libre, est-il vraiment responsable ? Au cas où cette responsabilité serait
nulle, on tomberait dans un déterminisme absolu qui est une autre forme du
fatalisme. Et cela renvoie au problème d’origine, puisqu’on pourrait dire qu’être
obligé de faire le mal n’est pas mal. Mais on pourrait avancer une autre
proposition : si certains hommes sont destinés – prédestinés peut-être – à faire le mal, c’est qu’ils
appartiennent à une vaste cohorte de « maudits ». Cette cohorte doit
avoir un chef : d’où le diable, sous son aspect le plus terrifiant, qui s’oppose
ainsi au dieu des armées. On tourne en rond, car nous retrouvons la
problématique de la Bible où le Dieu « cruel et jaloux » conduit son
peuple élu à la conquête de la Terre promise, en massacrant tout ce qui se
trouve sur son passage. Est-ce un mal ? Sûrement pas, puisque, dans l’optique
hébraïque, le peuple élu doit se conformer au plan secret de l’Éternel. Ce sont les autres qui sont les incarnations du Mal, et
la Guerre sainte est un bien, on l’a vu à la fois dans les prédications de Mahomet
et dans les différentes Croisades, dont celles contre les Albigeois. « Tuez-les
tous ! Dieu reconnaîtra les siens ! » C’est l’aveu, par un
prélat catholique romain, que l’être humain n’est pas libre et qu’il doit s’en
remettre à Dieu pour le choix. Mais c’est contraire à la doctrine officielle de
l’Église romaine, et finalement plus proche de la pensée cathare. Pour les
Cathares, en effet, le libre arbitre n’existait pas. Mais ils faisaient
intervenir une nouvelle notion, celle des réincarnations nécessaires pour se
purifier à travers la matière et remonter ainsi aux sources, du côté de l’Arbre
de Vie, ou dans le monde des Essences cher à Platon. C’est finalement nier le
Mal en tant qu’être absolu, puisqu’à la fin des temps, la dernière âme aura
fini de se purifier dans la matière et parviendra au monde suprême qu’elle n’aurait
jamais dû quitter. Le catharisme serait-il un faux dualisme ?
    Ces multiples problèmes qui s’imbriquent les uns dans les
autres montrent la complexité du dualisme. Au demeurant, les doctrines qui se
teintent de dualisme, se contredisent selon les époques, et selon les
adversaires qui les attaquent. On ne s’y reconnaît plus.
    Pour essayer de démêler cet écheveau, il est préférable d’examiner
certaines des conceptions dualistes qui se sont manifestées au cours des âges, dans
différentes aires de civilisation. On peut remarquer que les religions dites
polythéistes – il faudrait d’ailleurs réexaminer le problème de polythéisme en
tenant compte des fonctions sociales incarnées par les soi-disant dieux – se
sont beaucoup moins trouvées aux prises avec le dualisme du fait de l’éparpillement
fonctionnel de la divinité que les religions de type monothéiste, celles-ci s’empêtrant
continuellement dans des contradictions inhérentes à l’unité des fonctions
divines. C’est donc

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