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Montségur et l'enigme cathare

Montségur et l'enigme cathare

Titel: Montségur et l'enigme cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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les fastes de l’Église et tous ses
sacrements jugés inutiles et de pure forme, ainsi que tous les exercices du
culte ostentatoires. Et surtout, ils étaient farouchement iconoclastes, ce qui
n’était d’ailleurs pas fait pour déplaire à tout le monde, en ce temps-là, à Byzance.
Sur un plan plus temporel, Bogomil et ses disciples dénonçaient la puissance et
la richesse des États constitués qui, pour eux, n’étaient que vanité et néant. Ce
qui est véridique, ce qui est modeste, ce qui est humble, c’est le Christ, mais
un Christ plus symbolique que réel, et ce Christ ne peut attendre de cette
terre que des injustices, des persécutions et des larmes.
    La doctrine des Bogomiles nous apparaît un peu confuse parce
que nous ne la connaissons que par leurs ennemis, et que ceux-ci ne s’accordent
pas toujours sur les points qu’ils s’efforcent de réfuter. On peut cependant
prétendre qu’il a existé chez eux deux tendances, l’une dualiste absolue, l’autre
dualiste mitigée.
    Dans la première tendance, la Matière était l’œuvre du Démon
et l’Esprit, l’œuvre de Dieu. Il fallait donc rejeter tout ce qui concernait la
matière, pratiquer un ascétisme rigoureux, s’abstenir de tout commerce sexuel, ne
pas boire de vin, ne pas manger de viande et mener une existence de privations et
de renoncement. Quant à la Croix, ils la rejetaient parce qu’elle symbolisait
la seule cruauté. La communauté bogomile de cette tendance se refuse à toute
organisation qui serait terrestre, donc mauvaise, et ne reconnaît aucune
hiérarchie. Cette position radicale conduisait à une totale marginalisation, voire
à une intense persécution, mais celle-ci devait être supportée avec résignation
à l’imitation du Christ, reconnu comme un modèle et un exemple.
    La seconde tendance fait apparaître une pensée plus complexe.
À l’origine, il existait un monde spirituel, sur lequel Dieu régnait. La
Trinité existait en lui, le Fils et le Saint-Esprit n’étant que des modes du
Père, ce qui constituait une négation du dogme officiel et faisait appeler « Monarchiens »
les Bogomiles de Bulgarie. Mais Satan était également le fils de Dieu : il
était même son fils aîné et avait reçu mission de gérer les cieux, aidé par une
multitude d’anges qui lui étaient soumis. Cela n’est pas sans lien avec les
traditions chrétiennes concernant Lucifer et qui se retrouvent dans certaines
versions de la légende du Graal. Or Satan, par orgueil, s’était révolté, entraînant
une partie des anges dans sa rébellion. Pourtant la révolte de Satan et des
anges ayant échoué, ceux-ci furent précipités hors des cieux : c’est alors
que pour se venger, ils créèrent la terre et un second ciel, celui des astres.
    Dans cette conception, il n’existe à l’origine qu’un seul
Dieu, et finalement qu’un seul principe. C’est seulement à partir d’une révolte
que le Mal fait son apparition, déclenchant la création caricaturale de la
matière. Mais on se garde bien d’expliquer pourquoi Satan s’est révolté. C’est là où les dualistes mitigés se heurtent constamment
à une énigme qu’ils sont incapables de résoudre. Il est évident qu’un dualisme
radical, en posant la coexistence éternelle des deux principes, élimine tout
problème de ce genre. Mais, dans ces conditions, il n’y a plus d’espoir d’en
sortir : le monde sera toujours sous la coupe de Satan et toute vie
religieuse est inutile.
    Cependant, à l’intérieur de son monde, Satan créa l’homme
avec de la terre et de l’eau. Il lui insuffla de son esprit, mais demanda à
Dieu d’insuffler également un peu du sien dans l’être qu’il venait de créer, de
façon que cet être soit un lien commun entre eux. Ce mythe est fort étrange :
on se garde bien d’expliquer pourquoi Satan tient tant à ce que l’homme soit le
lien entre lui et Dieu, et surtout pourquoi Dieu accepte le marché. On
remarquera que ce mythe se retrouve, de façon larvée, dans la légende de la
naissance et de la conception de Merlin, selon Robert de Boron, au XII e  siècle, sous l’influence des moines
clunisiens : Merlin apparaît alors comme l’Homme primordial, fils d’un
diable et d’une sainte femme, bénéficiant de pouvoirs issus des deux mondes. Mais
comme dans le cas de Merlin qui, doué de pouvoirs « sataniques », les
utilise pour le Bien, il y a dans le mythe bogomile une allusion très nette à
la

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