Montségur et l'enigme cathare
particulier
était de subvenir à tout ce qui était nécessaire à la subsistance des Élus. Ainsi
les Élus n’avaient-ils pas l’occasion de pécher. Cela peut choquer, et il y a
là une certaine tendance à l’exploitation des autres. Mais toutes les religions
ont pratiqué plus ou moins ce système : « Travaillez, prenez de la
peine, nourrissez-nous, car ainsi nous pourrons prier pour vous. » Les
bonzes bouddhistes et les moines mendiants ne font pas autre chose. D’ailleurs,
les simples croyants manichéens semblent avoir très bien accepté ce système
hiérarchique. Et on le retrouvera intégralement dans le catharisme : seuls
les Parfaits sont astreints à l’ascétisme le plus rigoureux, et ce sont les
Croyants, vivant dans le monde normalement, qui leur fournissent la subsistance.
Bien entendu, seuls les Purs pouvaient prétendre, après leur
mort, à pénétrer dans le Royaume de Lumière. Mais les autres conservaient l’espoir,
car, selon la doctrine de Mani, les croyants, après leur mort, se réincarnaient,
et cela durait jusqu’au moment où ils devenaient, dans une vie ultérieure, eux-mêmes
des Purs. Par contre, s’ils avaient mené une vie toute entière vouée à la
Matière, ils risquaient de renaître sous forme d’animal. On retrouve tout cela
dans le catharisme.
Le culte manichéen, comme le culte mazdéen dont il procédait,
était réduit à sa plus simple expression. La religion manichéenne ne semble pas
avoir eu recours aux sacrements dans le sens où la religion chrétienne l’entend.
Le seul rite assimilable à un sacrement est celui de l’imposition des mains qui
se pratiquait au moment où le Croyant entrait dans la catégorie des Élus. Par
ce geste, analogue à celui de la Confirmation chrétienne, le Croyant recevait l’Esprit.
On reconnaît là, bien sûr, le consolamentum des
Cathares.
Pour le reste, le culte consistait en chants, prières, prédications,
à la fois pour affermir la foi des croyants et pour convertir des incroyants, et
en jeûnes parfois très rigoureux, durant parfois jusqu’à un mois. Il y avait
aussi des confessions publiques, des croyants aux Élus, et des Élus entre eux, et
une confession générale de la communauté à l’occasion de la fête de la Bêma . Le nom de cette fête signifie « chaire »,
et c’était une allusion à la chaire symbolique d’où Mani avait répandu son
enseignement. On célébrait donc la cérémonie devant une haute estrade, où le
prophète était censé être présent. Une autre cérémonie avait lieu, accompagnée
de chants et de prières, lors de la commémoration de la passion de Mani et de
son ascension au Royaume de Lumière.
La question des temples manichéens reste toujours controversée.
On n’a pas retrouvé d’authentiques temples de la religion manichéenne. D’après
le témoignage de saint Augustin, mieux placé que quiconque pour en parler, les
manichéens avaient des lieux de réunions et aussi des temples. Il établit donc
la distinction entre les deux. On suppose que les temples manichéens étaient de
construction très simple et dépourvus de toute ornementation. L’idée qui semble
avoir dominé est celle du dépouillement par lequel on peut obtenir le contact
direct avec l’esprit de Lumière. Il est donc permis de penser que ces temples
étaient surtout des emplacements – analogues aux sanctuaires druidiques en
pleine nature – choisis selon certains critères qui demeurent bien mystérieux, mais
en rapport avec la lumière, donc avec le soleil. C’est pourquoi on a pu parler
de « temples solaires », et prétendre que Montségur avait été autrefois,
sinon un temple, du moins un emplacement solaire : on sait que la direction de la forteresse, du côté de l’est, indique,
au-delà du Pech de Bugarach, le lever moyen du soleil tout au long de l’année.
Dans le mythe manichéen, le Soleil est ce qui reste de la
substance spirituelle non contaminée par le mal lors de l’emprisonnement d’Ahura-Mazda
dans la matière. Mais, en plus, le soleil, comme dans le mithraïsme, demeure le
symbole le plus parfait de la Lumière spirituelle, exactement comme la Croix
chez les Chrétiens. N’oublions pas que la Croix, que nous retrouverons en
Occitanie comme un héritage du peuple gaulois des Volques Tectosages, est un
très ancien symbole d’origine solaire, comme la swastika et comme le triskel celtique. Chez les
manichéens, les prières étaient toujours
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