Montségur et l'enigme cathare
encore, les
rapports avec la mythologie nordique sont évidents. Mais les radicaux affirment
que rien ne changera plus sur terre lorsque le nombre des réintégrés sera
atteint. On voit que la vision eschatologique des Cathares est plutôt confuse, et
d’ailleurs, au fur et à mesure qu’ils évoluent, ils ont tendance à intégrer l’eschatologie
chrétienne orthodoxe, ce qui n’infirme en rien leur doctrine fondamentale.
La morale apparaît nettement plus précise, et beaucoup plus
simple. Elle part de la constatation qu’il n’y a au fond qu’un seul péché :
celui de la rupture avec Dieu. Tous les autres péchés sont des formes
particulières de ce péché. Le seul problème était de savoir si ce péché
primordial avait été libre ou involontaire . Les dualistes modérés affirmaient le
Libre Arbitre, les radicaux le niaient. Mais les deux courants s’accordaient
pour dire que celui qui refuse d’appartenir au monde démontre ainsi qu’il n’appartient
pas à ce monde et qu’il ne dépend donc pas de Satan. Ainsi, pour un Cathare, pécher,
c’est subir le monde. Il ne peut donc y avoir de distinction entre péché véniel
et péché mortel : tout péché est mortel.
C’est ainsi que dans le cadre des relations sexuelles, les Cathares
ont une position qui paraît originale. Toute union sexuelle concerne la chair
et risque de prolonger indéfiniment l’œuvre de Satan : c’est donc un péché.
Et, dans ces conditions, une relation sexuelle dans le mariage n’est pas
meilleure qu’une relation sexuelle hors mariage. Il n’y a aucune différence. C’est
cette position qui a fait accuser les Cathares d’être des laxistes et de tout
permettre. Effectivement, ils ne dressent aucune nuance entre les relations
légitimes ou illégitimes, l’amour libre, l’homosexualité, l’adultère ou l’inceste,
voire la zoophilie. Mais leurs accusateurs auraient pu se souvenir qu’aux
premiers temps de l’Église, celle-ci, très inspirée par saint Paul et les Pères
de l’Église, en venait à peu près à la même conception. Et c’est parce que, d’une
part, il fallait assurer la survie de l’espèce, d’autre part, parce qu’il
fallait tenir compte de la nature humaine, que l’Église romaine a fini par
tolérer le mariage, en profitant du même coup pour le réduire à sa fonction
procréatrice et jeter l’anathème sur toutes les autres formes de sexualité. Encore
faut-il préciser que l’Église tolère seulement le mariage. Ce n’est pas l’Église qui marie les époux. Ce n’est pas le prêtre
qui les unit. Ce sont les époux eux-mêmes , et
le prêtre n’est là qu’en tant que témoin, pour prendre acte. Le sacrement de
mariage, puisque sacrement il y a, est conféré par les époux à eux-mêmes, et
sous leur responsabilité : les Catholiques contemporains, complètement
intoxiqués par les discours moralisateurs du clergé, ne se rendent même plus
compte de cette réalité qui, il faut bien le dire, représente une belle
hypocrisie de la part de l’Église romaine. De toute façon, ce « laxisme »
n’était pas le fait des Parfaits, puisque ceux-ci observaient une stricte
continence : ils avaient atteint un stade d’évolution spirituelle qui ne
permettait plus aucune faiblesse. Il en allait différemment des simples
Croyants : encore trop attachés au monde de la matière, ils pouvaient se
marier ou pratiquer l’union libre. Et, dans certains groupes cathares, il était
presque préférable d’avoir des relations sexuelles hors mariage, car elles n’avaient
pas pour but la procréation : donc, au lieu de deux péchés, il n’y en
avait qu’un. On imagine que cette façon de penser a pu provoquer certains excès
et certains débordements que n’ont pas manqué de dénoncer les Inquisiteurs.
Mais les Parfaits ont bien d’autres obligations que la continence.
Ils doivent s’abstenir de toute nourriture provenant de la génération : la
viande, qui est chair diabolique, est formellement proscrite. Mais on écarte
également le fromage, les œufs et le lait. Curieusement, on tolère le poisson, parce
que, dans la croyance cathare, les poissons n’étaient pas le fruit de la génération,
mais un produit spontané de l’eau. Mais on évitait le poisson ainsi que le vin
les jours de jeûne, où l’on doit se contenter de pain et d’eau.
Il existe aussi, dans les préceptes de morale cathare, une interdiction
majeure, tout au moins pour les
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