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Montségur et l'enigme cathare

Montségur et l'enigme cathare

Titel: Montségur et l'enigme cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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cela
aurait risqué de ruiner ses propres délires. Aussi, il mélange des épisodes dus
à Wolfram à d’autres tirés d’autres versions de la légende, qu’il s’est bien
gardé de lire également : il y avait pourtant une bonne traduction du Perceval de Chrétien de Troyes par Lucien Foulet et
deux transpositions acceptables de La Quête du
Saint-Graal par Albert Pauphilet et Albert Béguin. Mais c’était encore
probablement trop dangereux pour ses théories. De plus, il affiche une
méconnaissance totale de l’archéologie la plus élémentaire et ne sait pas
reconnaître un romancier d’un historien. Il prétend remettre à l’honneur une
nouvelle spiritualité de tendance dualiste, mais il ne s’est jamais posé le
problème de fond du dualisme, et il n’a aucune notion de ce que peuvent être la
métaphysique et la théologie. Et sa naïveté est si grande qu’il prend toujours
des vessies pour des lanternes et des cailloux usés par le temps pour des
talismans cathares.
    Il conviendrait de le classer une fois pour toutes comme un
bon président de Syndicat d’initiative. Il a réussi à attirer des foules dans
son petit domaine. Cela suffirait à sa gloire. Malheureusement, Antonin Gadal
est et demeure le principal responsable de toutes les élucubrations qui ont été
prononcées ou écrites sur les Cathares et le Graal durant ces cinquante
dernières années. A-t-il été manipulé, comme l’abbé Bérenger Saunière à
Rennes-le-Château, notamment, dans les années 1930 par la Société de théosophie
ou par le mystérieux Groupe Thulé ? Cela n’excuserait pas tout, et
notamment pas son délire quant à l’analogie de son nom avec celui de Galaad [25] ,
le découvreur du Graal, ni le monument ridicule érigé à Ussat-les-Bains, qui se
nomme précisément le « monument Galaad ». Sans être méchant, je ne
peux m’empêcher de penser qu’Antonin Gadal a profané l’esprit cathare et l’esprit
du Graal en mettant l’un et l’autre à la portée de groupements soi-disant intellectuels,
soi-disant spiritualistes, mais empreints de la plus louche idéologie raciste.
    Cela dit, ce n’est pas un hasard si, depuis une centaine d’années,
on manifeste autant d’intérêt pour les Cathares, pour ce qu’ils représentent et
pour les « secrets » qu’on leur attribue, sans doute un peu
hâtivement. Il semble que les Cathares aient quelque chose à nous dire : et
c’est ce « quelque chose » qui a motivé les recherches entreprises
aussi bien par des historiens, des philosophes et des archéologues que par des
occultistes sérieux et des prophètes illuminés. Le fait que les Cathares aient
été persécutés nous les rend sympathiques, au premier abord, en dehors de toute
appréciation sur leur doctrine. Nous avons, en notre XX e  siècle finissant, sinon acquis le sens de la
véritable tolérance (nous en sommes encore loin), du moins admis la pluralité
des opinions, et il nous semble que toute répression dans le domaine de la
conscience constitue une atteinte à la dignité de l’homme.
    D’autre part, depuis le siècle des Lumières, on n’arrête pas
de dénoncer la dictature des églises monolithiques sur l’Esprit. L’exemple des
Cathares se trouve en bonne place parmi ces dénonciations. Du coup, sans même s’interroger
sur les raisons profondes de la répression anti-albigeoise, on se hâte d’ériger
un monument à la mémoire de martyrs de la foi cathare, et la sympathie qu’on
éprouve pour eux, comme on en éprouverait envers tous les persécutés, a tendance
à se muer en admiration inconditionnelle.
    Il ne faut pourtant pas se leurrer : les Cathares, quoiqu’ils
se soient appelés « Parfaits » ou « Purs », n’étaient ni
meilleurs, ni pires que la plupart de leurs contemporains. Parmi eux, on pouvait
compter des hommes et des femmes exceptionnels, tant par la foi que par l’esprit
de charité ou l’intelligence. Mais, en cherchant bien, on pourrait tout aussi
bien trouver des abrutis, des profiteurs et des simulateurs. Certes, ils
dénonçaient les turpitudes de l’Église romaine : celles-ci étaient
visibles en Occident aux XII e et XIII e  siècles. Ils dénonçaient l’hypocrisie des
prêtres et leur immoralité. Ils avaient sans aucun doute raison. Mais les
Inquisiteurs les ont souvent accusés de choses que nous aimons mieux passer
sous silence : il y avait de tout chez les Cathares, comme il y avait de
tout chez leurs

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