Montségur et l'enigme cathare
quête des Cathares dans
ces hauts lieux que sont Montségur, la haute vallée de l’Ariège et le Razès. Après
tout, si Montségur n’était qu’un prisme où convergent tous les rayons de l’intelligence
humaine ? Cette hypothèse aurait au moins le mérite d’en faire une sorte
de temple solaire.
Il y a cependant autre chose : dans les légendes
populaires, lorsque le Diable construit quelque chose, un pont par exemple, son
travail reste inachevé. Oh ! il y manque peu de chose, parfois juste un moellon ;
mais c’est suffisant pour que tout le pont s’écroule. C’est que le pont est l’œuvre
du Diable, et que le Diable, même si on est un dualiste radical, ce n’est pas Dieu.
Le moellon qui manque, il n’y a que Dieu à pouvoir le placer au bon endroit.
Dans le Perceval de
Chrétien de Troyes, texte que les contemplateurs de Montségur auraient trop
tendance à oublier, éblouis qu’ils sont par Wolfram von Eschenbach, le passage
correspondant à l’épisode de l’ermite Trévrizent est beaucoup plus sobre, et
nullement encombré de spéculations philosophiques. Rappelons que cette version
reste bien antérieure à celle de Wolfram, et qu’elle serre de plus près l’archétype
de la légende. Or, dans cet épisode, Chrétien nous raconte que l’ermite dit « à
l’oreille de Perceval une oraison et lui la répète jusqu’à ce qu’il la sache. Bien
des noms de Dieu y étaient inclus, il y avait parmi eux les plus grands, ceux
que nulle bouche d’homme ne doit prononcer, si ce n’est en péril de mort. Aussi,
quand il la lui a apprise, il lui défendit de la dire, si ce n’était pour
échapper à un bien grand danger [26] ».
Voilà une belle histoire. Et Perceval est désormais en possession
d’une prière qui lui permet d’échapper à la mort. Il a donc obtenu une
quasi-immortalité. Chrétien de Troyes, qui n’a pas achevé son ouvrage, volontairement
semble-t-il, ne nous montre pas Perceval roi du Graal, et nous ne savons pas si
son intention était de le faire aller jusque-là. Mais que dire de cette prière
secrète et redoutable qui concerne les noms de Dieu ? Cela rappelle la
tradition hébraïque concernant Lilith qui, pourchassée par les Anges de Dieu
parce qu’elle a abandonné Adam, se refuse à obéir aux ordres de l’Éternel, parce qu’elle connaît le nom ineffable de Dieu . En
dépit du vocabulaire chrétien employé par l’auteur, il n’est pas sûr que cet
épisode soit d’une orthodoxie exemplaire.
Cette prière secrète, c’est un peu la pierre qui manque au
pont construit par le Diable. Il est probable que les Cathares étaient sur le
point de découvrir les noms ineffables de Dieu. Peut-être même les
connaissaient-ils. Mais, ce secret, l’ont-ils transmis ? L’ont-ils laissé
quelque part, à Montségur, à Quéribus, dans la grotte de Lombrives, au château
de Montréal-de-Sos, à Bugarach, à Rennes-le-Château ? À moins que ce ne
soit à Rennes-les-Bains, à Granès ou au château d’Usson ? Ou encore au
château de Puivert, où se trouvent des représentations graphiques des légendes
arthuriennes ? Comment le savoir, sinon par l’Ermite ?
II
CATHARISME ET DRUIDISME
Le jour du septième centenaire du bûcher de Montségur, c’est-à-dire
le 16 mars 1944, en pleine occupation allemande, Joseph Mandement, président
du Syndicat d’initiative de Tarascon-sur-Ariège, dont dépendait alors Montségur,
inaugura, en compagnie de quelques amis, une petite stèle en l’honneur de
Maurice Magre, décédé en 1939, premier président de l’association des Amis de
Montségur. Cette stèle devait être érigée sur les flancs du pog . Donc, après avoir demandé aux autorités
compétentes l’autorisation d’ériger la stèle et après avoir averti les
autorités allemandes d’occupation de leur rassemblement, Joseph Mandement et
seulement six amis se trouvent à Montségur. On connaît la liste des six : Antonin
Gadal, Paul Salette, René Clastres, Maurice Roques, Paul Philip et l’écrivain
Joseph Delteil. Leur petite cérémonie se déroula sans encombre, et il n’y eut
rien à signaler sinon que Montségur fut survolé par un petit avion allemand qui traça dans le ciel à l’aide d’une fumée blanche une
croix celtique.
Les Celtes à Montségur, et par le biais d’un avion allemand !
C’est mieux qu’une légende, d’autant plus que l’événement a été confirmé par le
témoignage de ceux qui se
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