Montségur et l'enigme cathare
moins vague entre le symbolisme
de la croix huguenote et certains motifs cathares.
Mais tout cela ne concerne que des épiphénomènes. C’est
pourquoi il convient de considérer avec une extrême prudence les nombreux
témoignages ou pseudo-témoignages qui ont été publiés, depuis une centaine d’années,
sur la survivance du catharisme dans la région de Montségur, dans la haute
vallée de l’Ariège et dans le Razès. Et lorsqu’on rencontre un homme qui
affirme le plus sérieusement du monde être un des derniers Cathares, on ne peut
s’empêcher de sourire. J’ai moi-même rencontré tellement de druides absolument
convaincus, le disant bien haut, et s’encombrant d’un attirail plus pittoresque
que sérieux, que je me sens de taille à dialoguer avec n’importe quel membre de
n’importe quelle secte, fût-elle d’avant le déluge. Les Druides ont disparu
depuis longtemps, mais depuis la fin du XVIII e siècle,
des groupes plus ou moins ésotériques ont « réinventé » le druidisme,
sa doctrine et son rituel, alors que, très honnêtement, on doit convenir que
nous ne savons à peu près rien sur cette question. Ces fameux « druides »
actuels, qui sont fort nombreux, sont en réalité des « néo-druides »,
et quelle que soit leur sincérité, quelles que soient leurs motivations, il est
impossible de leur reconnaître une filiation quelconque. Certains d’entre eux
en sont parfaitement conscients et le disent ouvertement, honnêtement. Malheureusement,
d’autres n’ont pas cette délicatesse, et tout en impressionnant un public avide
de croire par leurs fumeuses élucubrations, ils clament bien haut qu’ils sont
des druides authentiques, inspirés par le Ciel, bien entendu. Il y en a même
qui exécutent leurs grotesques cérémonies au milieu de menhirs en polystyrène ( sic ) sans aucun respect du sacré, ni aucun sens du
ridicule. Ils constituent des ordres, avec une hiérarchie, druides habillés de
blanc, bardes habillés de bleu, ovates habillés de vert. Le malheur, c’est que dans toutes les langues celtiques qu’ils sont censés
connaître, il n’y a aucune distinction entre le bleu
et le vert , un même terme désignant les deux couleurs. Comment
peuvent-ils donc s’y retrouver ?
J’imagine qu’il en est de même aujourd’hui dans l’Occitanie
cathare. Il doit rôder actuellement un certain nombre de Cathares sur les
routes tortueuses qui passent les cols et suivent les vallées, entre
Ussat-les-Bains et Rennes-les-Bains. Ces descendants des Cathares sont-ils
authentiques ? C’est une question à laquelle je me garderai bien de
répondre. Les Cathares ont un avantage sur les Druides : ils peuvent
toujours se prévaloir de la réincarnation, à laquelle ils croyaient, tandis que
les Druides n’y croyaient pas. Un Cathare actuel peut, avec logique, se
prétendre la réincarnation d’un Cathare du temps jadis : cela va dans le
sens de la doctrine. Cela, un personnage qui se prétend Druide au XX e siècle ne le peut pas, à moins qu’il ne
délire quant à la transmigration des âmes, ce que certains n’ont pas hésité à
faire.
Il serait pourtant plus honnête de parler de néo-Cathares. Depuis
le XIV e siècle, le lien a été brisé
depuis longtemps, et toute tentative de reconstitution du culte cathare ne peut
être qu’un néo-catharisme . C’est d’ailleurs
ainsi que l’entendait Déodat Roché, le rénovateur des études cathares en Occitanie,
dont René Nelli a dit qu’il était « beaucoup plus prudent, beaucoup plus
philosophe » que la plupart des apprentis chercheurs de Trésor ou quêteurs
de Graal qui ont fourmillé dans la région depuis le début du siècle. « Roché
ne donnait pas dans toutes leurs rêveries, ajoute René Nelli, mais il croyait
lui aussi à l’existence idéale du Graal
pyrénéen. »
Déodat Roché était né dans l’Aude, en 1875. De bonne heure
préoccupé par les spéculations philosophiques, il avait recherché dans les
traditions antiques, puis dans la religion manichéenne, les chaînons qui
conduisaient au catharisme qu’il considérait, sentimentalement, comme l’esprit
même de son Occitanie natale. Il avait fait carrière dans la magistrature, mais,
s’étant libéré de ses fonctions, il revint s’installer dans le Razès, à Arques
– sur le territoire duquel se trouve le mystérieux tombeau identique au tableau
de Nicolas Poussin – et c’est sous son impulsion que vers 1950, fut
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