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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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Réfléchissons… »
    Il s’arrêta et fit s’allonger sa jument, non sans avoir pris soin de libérer Taqi. Saladin se recroquevilla entre les jambes de sa monture, et plaça Taqi au creux du ventre de l’animal. Puis il attendit. Le vent continuait de souffler, les ensevelissant sous le sable. Imperturbablement, Saladin se balançait doucement d’avant en arrière, récitant ses prières :
    — Au nom de Dieu, le Très Miséricordieux, le Miséricordieux ; Louange à Dieu, Seigneur des univers, le Très Miséricordieux, le Miséricordieux, le roi du Jour et du Jugement. C’est Toi que nous adorons, c’est Toi dont nous implorons le secours. Guide-nous sur la voie de la rectitude, la voie de ceux que Tu as comblés de Tes bienfaits, non pas celle de ceux qui osent Te défier, ni celle de ceux qui se sont égarés…
    Une larme coula le long de sa joue, mais quand il porta la main à son visage pour la toucher, il ne recueillit qu’un peu de sable. Sable, sable, sable… N’y avait-t-il rien d’autre que du sable ?
    « Non ! se dit Saladin. Les Anciens racontaient qu’autrefois un immense océan recouvrait ce désert. Des poissons géants y nageaient, ainsi que toutes sortes de créatures aujourd’hui disparues. Noé n’avait pas pu sauver tous les animaux de la Création. Certains avaient dû être sacrifiés. Il avait plu, pendant quarante jours et quarante nuits, puis les eaux s’étaient retirées, et la mer elle-même était morte, anéantie… »
    Saladin lâcha un profond soupir. Curieusement, cela lui évoqua l’image d’un très grand et très puissant dragon, en train de pousser son dernier souffle, alors que la mer où il vivait périssait. Un soupir. Une mer. Un dragon. Et si le Khamsin était le dernier souffle du dernier dragon de ce désert ? Un souffle si puissant qu’il parcourait encore ce qui jadis avait été son territoire ?
    — Peut-être parviendrai-je à l’apaiser, si je lui donne un peu de ce qu’il a perdu…
    Saladin prit la gourde de Taqi, l’ouvrit, et versa l’eau sur le sable.
    « C’est pure folie ! Mais après tout, perdu pour perdu, cela mérite d’être essayé… »
    Curieusement, l’eau coula vers le haut. Alors Saladin leva les yeux pour la regarder monter vers la tempête, où elle se fraya un chemin vers le ciel.
    — C’est un miracle, murmura-t-il. Allah soit loué !
    En effet, petit à petit, le minuscule carré de ciel bleu que l’eau avait fait apparaître s’agrandit, tant et si bien que les vents se calmèrent puis tombèrent tout à fait. Enfin, le soleil se remit à briller – comme si rien ne s’était passé. Saladin se demandait s’il n’avait pas rêvé.
    — C’était peut-être un mirage ?
    Il se dressa sur ses jambes, épousseta ses manches, sa veste et dénoua son keffieh. Après l’avoir fait claquer plusieurs fois dans l’air, pour le débarrasser de la poussière qui s’y était accumulée, il se retourna vers sa jument. Celle-ci était toujours à moitié recouverte de sable, et Saladin eut la mauvaise surprise de voir – en lui passant un linge sur la tête – que le Khamsin l’avait mordue jusqu’à l’os, laissant la chair à vif, endolorie. Elle était morte. Saladin poussa un hurlement de douleur, si formidable qu’il extirpa Taqi de sa torpeur.
    — Où suis-je ? demanda l’enfant.
    — Tout va bien, lui répondit Saladin. Le Khamsin avait soif. Je lui ai donné à boire, et il s’en est allé.
    Taqi se remettait doucement d’aplomb, et tentait de reprendre ses esprits. Mais, bientôt, une ligne de poussière commença à se former au-dessus du désert, vers l’orient, et les étendards de l’armée de Chirkouh apparurent à l’horizon, telles des voiles de navires venus les secourir.
    — Sauvés ! fit Taqi en agitant un bout de son keffieh. Par ici ! Par ici !
    Saladin, quant à lui, recouvrait sa jument de sable, tout en maugréant quelques paroles dans sa courte barbe.
    — Que dis-tu ? lui demanda Taqi.
    — Que ce qu’on ne peut pas obtenir par la force, un peu d’eau vous le donne.
    Il médita cette leçon, se promettant de ne jamais l’oublier. Désormais, le Khamsin était pour lui, non pas comme un ami, mais comme un être qu’il avait appris à connaître et à ne plus craindre. Un futur allié ? Peut-être…

51.
    « Il en va toujours ainsi : le fumier doit nécessairement puer, les taons doivent piquer, et les traîtres se rendre odieux et nuire. »
    (

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