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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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Chawar, et récupérer cette étrange jouvencelle, qu’on disait « n’exister pas »…
    Saladin eut un vague sourire. Il lui faudrait songer un jour à se marier. Son père le lui répétait sans arrêt : « Marie-toi, mon fils ! Fais-nous de beaux petits-enfants ! Et sors la tête de tes livres ! Cesse donc un peu de méditer ! Va t’amuser ! »
    Après avoir dépassé l’avant-garde de l’armée, Saladin obliqua vers l’est afin de la rabattre vers le gros des troupes, composé de deux mille cavaliers portant chacun en croupe un fantassin. Soudain, une trombe de sable se détacha du sol et s’éleva en spirale vers le ciel. Elle parcourut ainsi quelque distance, puis s’évapora comme elle était née. L’air s’était brutalement asséché, et Saladin eut la désagréable sensation d’avoir la poitrine saturée de poussière. Il cracha, toussa, mais ne réussit qu’à avaler plus de sable. C’est alors que son neveu le rejoignit pour lui tendre une gourde :
    — Buvez, mon oncle !
    — Merci Taqi, dit Saladin en prenant la gourde que son neveu lui tendait.
    Taqi n’était alors qu’un gamin de neuf ans. C’était une sorte d’écuyer, dont la tâche consistait à suivre son oncle, avec un cheval de secours, quelques armes, une armure et des vivres. Saladin se désaltéra en prenant soin, ainsi que le commande l’islam, de ne surtout pas toucher la gourde avec ses lèvres, la rendit à Taqi puis lança :
    — Allons retrouver Chirkouh !
    Les dix cavaliers talonnèrent leurs chevaux, et s’élancèrent sur les traces de l’avant-garde de l’armée qui, ayant fait demi-tour, les avait devancés sur la route du bivouac.
    « On ne respire pas de l’air, mais de la poussière ! J’ai du sable jusque dans les narines… Et quand je penche la tête de côté, du sable, encore du sable, me coule par les oreilles ! »
    Saladin pesta silencieusement : « Que suis-je donc venu faire ici ? »
    Chirkouh avait promis de lui donner un fief, pris aux Égyptiens. Jamais Saladin n’oublierait ce qu’il avait répondu ce jour-là à son oncle : « Par Dieu, si l’on me donnait tout le royaume d’Égypte, je n’irais pas ! »
    Mais il avait cédé. Non pour lui, mais pour son père. Le vieil homme, si cher à son cœur, avait rêvé toute sa vie d’avoir un fils conquérant. En acceptant de suivre son oncle, c’était un peu des espoirs déçus de son père que Saladin réalisait. Mais à quel prix ! Car il n’était pas dit qu’aucun des quatre mille soldats engagés dans cette expédition en ressortirait vivant. En effet, le désert et le Khamsin constituaient de redoutables adversaires, dont les victimes se voyaient çà et là étendues sur le sable. Animaux de bât, dont les os blanchis figuraient de stériles semailles. Volatiles qu’un vent puissant avait plaqués d’un coup au sol, où ils s’étaient brisé les ailes. Pièces d’armure dépolies que le Khamsin promenait d’un bord à l’autre d’une dune, comme pour s’amuser.
    Enfin, alors qu’à l’horizon se dessinait une ligne de cavaliers, le Khamsin forcit. Il gronda, parut bander ses muscles, et enferma chacun des membres de la petite troupe de Chirkouh dans un sarcophage de sable.
    « Tu parles d’un sortilège, maugréa Saladin en son for intérieur. C’est nous qui sommes emprisonnés, pas le Khamsin ! »
    Saladin poussa un cri, appela. Personne ne répondit. Sa jument, affolée, tourna subitement sur elle-même, sans savoir où aller. Alors il mit pied à terre – c’était la meilleure chose à faire – et noua un drap de coton autour des yeux de sa monture, afin de l’aveugler. « C’est pour ton bien », dit-il à son cheval en lui caressant l’encolure.
    Marchant dans ce qu’il pensait être la direction du camp, Saladin heurta du pied une masse inerte étendue sur le sable : un corps. Fouillant avec ses mains, palpant, tâtant, il parvint à reconnaître la forme bombée d’une gourde à moitié vide. Celle de l’intrépide Taqi ! Le malheureux était tombé. Saladin se pencha sur son neveu et le prit dans ses bras. Par chance, ce n’était encore qu’un gamin tout en nerfs, loin de peser le poids de Chirkouh. Il attacha son neveu sur la selle de sa propre monture, le lia avec une corde, et poursuivit sa route, au hasard… « Voyons, se disait-il, ce que je fais est stupide ! Je n’ai aucune chance de m’en sortir ! Je n’arrive même pas à m’orienter.

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