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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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savait pas qui l’appelait ; il pensa que ce devait être un fantôme. »
    ( CHRÉTIEN DE TROYES ,
Lancelot ou le Chevalier à la Charrette. )
    Morgennes s’accroupit, effleura la surface de l’eau, puis porta la main à sa bouche. L’eau avait un goût de limon, un goût de terre acide.
    — Le Nil a amorcé sa décrue, dit-il à Dodin.
    Mais, lorsqu’il se retourna, Dodin n’était plus là. Morgennes se redressa et écouta les bruits de la forêt, tous ses sens à l’affût. La nature était étrangement silencieuse, comme si les oiseaux avaient oublié de piailler, les fauves de gronder. Il n’y avait rien, rien qu’un ronflement sourd, qu’il ne trouvait pas rassurant.
    — Dodin ! appela Morgennes.
    Personne ne répondit, et son cri s’englua dans la touffeur végétale.
    Alors Morgennes compta une dizaine de battements de cœur, et repartit sur ses pas. Depuis combien de temps marchaient-ils dans cette jungle, en direction des marécages ? La lumière avait du mal à pénétrer dans ces sous-bois, et certaines journées étaient aussi obscures que des nuits. Dodin avait depuis longtemps perdu le fil des jours. Mais Morgennes, lui, savait. Cela faisait sept semaines et… Non, sept jours.
    Non.
    Sept mois… Se sentant légèrement troublé, il se toucha le front du bout des doigts, et murmura :
    — Toi, tu m’as l’air fatigué…
    Fatigué. Oui. Ils étaient épuisés, l’un et l’autre. Mais seul Dodin avait montré les signes d’une extrême fatigue. Morgennes, lui, était entièrement tendu vers son but – atteindre les marécages et le navire qui gisait en son sein, retrouver Gargano. Le franchissement des dernières cataractes avait été particulièrement éprouvant pour les deux hommes, et Morgennes avait dû à plusieurs reprises porter Dodin sur son dos.
    Mais alors, où était Dodin ?
    Morgennes refit à l’envers une partie du trajet qu’ils avaient effectué pour venir jusqu’ici. Et pourtant, comme dans le Labyrinthe du Dragon, il avait l’impression que la nature avait changé. Cet arbres, aux racines si hautes et si énormes qu’elles ressemblaient elles-mêmes à des troncs d’arbre, n’était pas là quand il était arrivé, quelques heures plus tôt. Mais était-ce vraiment ici ? Ou bien, n’était-ce pas quelques jours plus tôt ?
    Morgennes ne savait plus.
    Ses forces l’abandonnaient. Même sa mémoire, sa si précieuse alliée, semblait s’être envolée, sucée par les innombrables sangsues qui lui couvraient les jambes. Pour la tester, il se remémora chacun des moments passés avec Guyane, et s’aperçut avec soulagement que dans le domaine de l’amour sa mémoire était indemne.
    — Je me souviens… Oui, je me souviens…
    Morgennes éprouva soudain une vive douleur, comme si la foudre l’avait frappé. Dodin ! Dodin avait disparu voici plusieurs jours, et il était parti à sa recherche !
    — Allons, en route !
    Il fit encore quelques pas dans la brume, contourna l’immense banian devant lequel il venait à l’instant de passer, et se demanda s’il n’avait pas déjà vu cet arbre, quelque part… Mais quand ? Levant les yeux, il aperçut alors, pendus dans les hautes, très hautes branches de l’arbre, une dizaine de pantins gris pâle, mâles et femelles. Leurs membres se balançaient au gré du vent, et le doux cliquetis de leurs articulations faisait une étrange chanson, qui disait : « Comme nous, tu es comme nous… Clic, clic, clic… Comme nous, tu es comme nous… Clic, clic, clic… Et tu nous rejoindras bientôt… Clic, clic, clic… Bientôt, bientôt… »
    « Je deviens fou, se dit Morgennes. Je perds la raison. Allons, réfléchissons. Que disait-on au sujet de ces marécages ? Qu’on y perdait la mémoire ? »
    — Je n’oublierai pas, je n’oublierai pas…
    « Mais, que font ces pantins là-haut, dans les arbres ? Voyons, mais c’est évident ! Personne n’est allé les pendre ! C’est juste que comme le Nil était plus haut, beaucoup, beaucoup plus haut, l’Arche a navigué au-dessus d’eux, puis quelqu’un les a jetés dans l’eau. Alors, ils ont coulé et se sont pris dans ces branches… »
    L’un de ces pantins oscillait dangereusement au-dessus de lui, ses pieds regardant au nord, à l’est, puis de nouveau au nord, puis de nouveau à l’est… Cette vision macabre donna des frissons à Morgennes, qui s’appuya contre les racines de l’arbre et cria :
    — Dodin !
    Mais

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