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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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lui offrant ce dont il rêvait le plus : un dragon ! Oui, j’ai conçu le projet fou de capturer une créature remontant à la nuit des temps pour la lui offrir, afin qu’il l’ajoute à sa collection et qu’elle en soit le plus bel ornement…
    Marie parut se perdre dans ses réflexions, puis reprit le fil de son discours :
    — Cette créature est tenue comme bienveillante par les Asiatiques, et comme maléfique par les Occidentaux. Nous autres, qui sommes à mi-chemin de l’Asie et de l’Europe, la tenons pour autre chose, située au-delà du bien et du mal.
    — Je crois savoir de quoi vous parlez, dit Morgennes.
    — Je parle des dragons ! Ce monstre que la chrétienté – Rome, en particulier – a pourchassé dans le monde entier pour l’éradiquer, et que les Asiatiques ont traqué pour sa graisse, ses dents, sa langue, ses écailles, ses griffes ou son foie… Le monde s’est vidé de ses dragons, il n’y en a plus nulle part. Les seules traces que nous avons d’eux sont celles contenues dans les livres, les récits, et dans certains tableaux et peintures hérités de l’Antiquité. Mais en étudiant les textes, je me suis aperçue que saint Georges n’avait pas tué de dragon ! Il l’avait épargné, et après lui avoir passé autour du cou la ceinture de la princesse qu’il venait de délivrer, l’avait conduit jusqu’au roi qui l’avait chargé de le vaincre. Là, le dragon fut jugé puis relâché. Il vit donc encore aujourd’hui, dans ces marécages, au pied des Monts de la Lune. Pour le transporter, j’avais besoin d’un bâtiment hors du commun, en bois de gopher… Or il n’en existe qu’un : l’Arche de Noé. Celle-ci avait en outre déjà fait la preuve de sa capacité à contenir un dragon, lors du Déluge. Seule l’Arche pouvait résister à son souffle et à ses coups de griffes. C’est pourquoi, peu avant de venir en France prendre livraison de cet orgue auprès du père de Philomène, j’étais allée chercher l’Arche, en haut de l’Ararat. Pendant que nous voyagions, les arsenaux de mon oncle s’activaient à remettre l’Arche en état, ce qui leur demanda plusieurs années.
    Elle désigna l’Arche de Noé, et conclut :
    — Ils ont fait de l’excellent travail. Avec elle, nous disposions du bâtiment idéal pour nous rendre dans la terre des dragons, c’est-à-dire en Éthiopie. Une contrée qui bien avant l’islam, la chrétienté et le judaïsme, avait connu un autre type de culte : celui du Dragon. Oui, Morgennes, c’était une expédition insensée, je le sais. Mais elle était mue par la reconnaissance – celle que j’éprouvais pour mon oncle. Je savais que nous avions très peu de chances de réussir, mais je comptais, pour l’emporter, sur ces fabuleux appâts : cet orgue, et cette partition.
    — Vous devriez continuer à jouer, lança Gargano à Marie Comnène. Les dernières notes ont presque terminé de résonner…
    — Tu as raison, dit Marie.
    Elle se remit à jouer, n’utilisant que les touches les moins endommagées, même si par moments certains tuyaux laissaient échapper quelques fausses notes.
    — Cet orgue, comme tu le sais, a été restauré par le père de Philomène. Notre projet la fascinait, et elle était enthousiaste à l’idée d’y participer.
    — Où est-elle ? demanda Morgennes.
    — Elle nous a abandonnés voici longtemps, quand nous sommes passés par Le Caire. Mais en vérité, je crains qu’elle ne nous ait trahis bien avant. Car j’ai découvert qu’elle travaillait en fait pour les ophites, et notamment pour l’un d’eux, dénommé Palamède. Philomène avait bien essayé de me convaincre de leur donner mon dragon, mais après avoir compris que je ne céderais jamais, elle a préféré tout saboter…
    Morgennes se leva, s’approcha de Marie Comnène, et regarda par-dessus son épaule.
    — J’avais vu des schémas représentant l’Arche, à Constantinople, dit-il. Je connaissais déjà l’orgue. Et cette partition ne m’est pas inconnue… C’est celle que votre oncle m’avait demandé de voler. Elle était censée attirer les dragons. J’ai toujours pensé que c’était impossible.
    — Jusqu’à présent, lui dit Marie, elle n’en a attiré aucun.
    — Alors, pourquoi continuer à en jouer ?
    — Parce que au cours de notre malheureuse expédition, appelons-la un naufrage, nous nous sommes aperçus qu’en traversant ces marais, notre mémoire s’effaçait. Aucun

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