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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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s’interrompent…
    — On est alors dans la jungle…
    — Oui, c’est de nouveau la jungle, et l’on retrouve le Nil – ou du moins l’un de ses affluents. Il faudra le remonter. Une vieille légende arabe, que je te raconterai si je m’en souviens encore, prétend que son cours devient souterrain, et qu’il traverse la montagne. Mène-nous vers la mer Rouge. Toi seul peux nous sauver.
    — Je ferai tout mon possible, dit Morgennes.
    Il laissa Marie rejoindre Gargano, et tandis qu’ils jouaient à quatre mains une mélodie syncopée, au rythme de laquelle les papillons noirs et blancs virevoltaient, créant dans l’air des figures étonnantes, il s’approcha d’un tronc d’arbre, à la recherche d’un champignon.
    — Il y a quelque chose que j’aimerais vérifier, se dit-il à mi-voix.
    Ayant trouvé un champignon de la taille d’une noix, et après avoir éprouvé avec ses doigts le moelleux de sa chair, il l’engloutit d’un seul coup.
    — Si je suis un dragon, je n’en mourrai pas !
    Il ferma les yeux, et s’abandonna au tumulte qui montait en lui.

60.
    « Tu as en toi ce que tu cherches, mais il n’y est pas tout entier. Une partie se trouve dans ton corps, l’autre est devant toi. »
    ( CHRÉTIEN DE TROYES ,
Philomena. )
    Ensuite, tout se déroula comme sa sœur le lui avait annoncé.
    Morgennes, Marie Comnène et Gargano parvinrent à sortir des marécages, mais ne les quittèrent pas indemnes. Alors qu’ils marchaient en direction des Monts de la Lune, dont la blancheur était si étincelante qu’elle perçait à travers les fumées nauséabondes des marais, Morgennes se remémora ce qu’il venait de vivre.
    Mais se le remémora-t-il vraiment, ou continuait-il de le vivre – une partie de son âme étant restée à jamais prisonnière de Noir Lac ? Il ne devait jamais le savoir.
    Il avait eu le sentiment d’être en contact avec sa vie entière, de sa naissance jusqu’à sa mort, et même au-delà. Ce qu’il « vécut » alors ne devait jamais l’abandonner. Il en sortit transformé. Le Morgennes qui se sauva des marécages n’était plus tout à fait celui qui s’y était aventuré.
    Après avoir avalé le champignon, Morgennes s’était vu tomber à ses propres pieds et sombrer dans les eaux de Noir Lac. Marie Comnène et Gargano s’étaient précipités vers lui, mais en dépit de leurs efforts, n’avaient pas réussi à l’empêcher de s’enfoncer dans la vase, au plus profond des marais.
    Morgennes, qui s’était comme dédoublé, était à la fois en train de sombrer et d’assister aux vains efforts que déployaient Marie et Gargano pour le sauver. Et il ne savait quoi penser. D’ailleurs, il ne pensait pas.
    Au fond des eaux se trouvaient sa sœur, ainsi que moult autres personnes qu’il ne connaissait pas – peut-être ses ancêtres, ou tous les morts du monde entier.
    Sa sœur vint vers lui en flottant :
    — Je t’avais dit de t’en aller. Ce n’est pas ici un endroit pour les non-morts. Il faut que tu repartes.
    — Les non-morts ?
    — Tu n’es pas encore mort, que je sache ? lui fit remarquer sa sœur.
    — Non.
    — Alors tu es un non-mort.
    Ensuite elle désigna l’immense amas d’ombres aux allures anthropoïdes qui s’agglutinaient autour d’eux, comme des fleurs de pissenlit autour de leur pistil, et lui apprit :
    — De même qu’eux, nous, moi, sommes des non-vivants. C’est comme ça.
    — Alors, nous sommes dans les limbes ?
    — Si tu veux. J’aimerais t’expliquer, mais tu ne pourrais pas comprendre…
    — Pourtant je te comprends.
    — Parce que je ne te dis pas tout. Et puis, tout Morgennes n’est pas là. Une partie de toi est restée là-haut, dans le monde. Tandis que toi…
    — Moi ? Quoi ?
    Une image traversa l’esprit de Morgennes. Il se revit, quelques années plus tôt, dans les cuisines de Coloman, allongé sur sa paillasse. Galline et moi étions en train de le veiller. Curieusement, Morgennes était là lui aussi, avec nous. Et il se regardait. Et puis il se revit enfant, courant auprès de ses parents. Ensuite il se revit sur la petite tombe de sa sœur jumelle… Enfin, il aperçut un fœtus, minuscule ébauche d’être humain, contre lequel une autre ébauche se blottissait. Ils étaient deux. Ils n’avaient pas beaucoup de place. Pourtant, ils étaient bien. C’était au creux du ventre de leur mère.
    — Tu es ici, poursuivit sa sœur. Avec nous. Mais en partie

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