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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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pense. Au fond, Bertie était peut-être… sans que personne soit au courant.
    Emily tendit la main vers lui et serra la sienne.
    — N’y pensez plus, mon ami, dit-elle avec douceur. Il
est plus probable que l’assassin de Sir Bertram soit un autre soupirant de May
Woolmer, épris d’elle au point de choisir là l’occasion de se débarrasser d’un
rival, en le mutilant horriblement. Ainsi pouvait-il à la fois l’éliminer
physiquement et le rayer de la mémoire de May. Comment pourrait-elle chérir le
souvenir d’un homme perverti ?
    George réfléchit, serrant la main de son épouse dans la
sienne. Par moments, il l’appréciait infiniment. Une chose était certaine :
avec Emily il ne s’ennuyait jamais, même au bout de cinq années de mariage.
    — Je n’en suis pas si sûr, dit-il enfin. May Woolmer
est une jeune personne ravissante, mais je ne vois pas qui aurait été amoureux
d’elle au point de commettre un acte aussi abominable. Non, elle n’a pas un
tempérament à inspirer de telles passions. De plus, elle n’est guère fortunée.
    — Je croyais Beau Astley très attiré par elle.
    — Beau ? Vraiment ?
    — C’est ce que j’ai cru comprendre… fit Emily, un peu
déroutée.
    — À mon avis, il aime bien May, en effet, mais il a d’autres
chats à fouetter. Et ce n’est vraiment pas le genre d’homme à assassiner son
frère !
    — N’oubliez pas le titre, et la fortune, lui fit-elle
remarquer.
    — Connaissez-vous Beau Astley ?
    Emily était ravie. Enfin, ils entraient dans le vif du sujet !
    — Non. Pourriez-vous me le décrire ?
    — Charmant. Bien plus charmant que ce pauvre Bertie, en
fait. Et très généreux, ajouta-t-il d’un ton convaincu. Tiens, d’ailleurs, il
faudrait que j’aille le voir…
    Il laissa tomber son journal par terre et se leva.
    — J’ai toujours beaucoup apprécié ce garçon. Il doit
être complètement retourné. L’obligation de porter le deuil rend la disparition
d’un être cher encore plus douloureuse. Quel que soit votre degré d’affliction,
il est affreusement pénible d’être enfermé dans une maison, au milieu de lampes
en veilleuse et de crêpe noir, entouré de domestiques chuchotants et de filles
de cuisine qui se mettent à renifler dès qu’elles vous aperçoivent. Je vais
aller lui tenir compagnie.
    — Bonne idée, fit Emily, sincère. Je suis sûre qu’il
vous en sera reconnaissant. C’est très gentil de votre part.
    Comment le convaincre, sans éveiller ses soupçons, d’interroger
discrètement Beau Astley ?
    — Beau a peut-être envie de se confier à un ami en qui
il a toute confiance, suggéra-t-elle en le regardant droit dans les yeux. Il
doit être assailli par une foule de questions très pénibles quant aux circonstances
de la mort de son frère. Et il ne peut ignorer les spéculations auxquelles se
livrent ses relations. À sa place, j’aurais grand besoin de m’épancher.
    Si George se doutait qu’elle avait une petite idée derrière
la tête, rien sur son visage ne le laissa transparaître. Sauf, peut-être, ce
très léger sourire… Mais elle avait sans doute rêvé.
    — Certainement, fit-il, laconique. C’est parfois un
grand soulagement de pouvoir parler… en toute confiance !
    George était-il plus subtil qu’elle ne le supposait ? Ou
bien l’idée de jouer les détectives lui souriait-elle ? Non, tout de même
pas ! Elle le regarda quitter la pièce, droit et élégant, avec un petit
frisson de surprise.
     
    Trois jours plus tard, elle s’arrangea pour emmener George
et Charlotte à une soirée dansante où elle était certaine que les Balantyne, ainsi
qu’Alan et Christina Ross, seraient présents. À Charlotte de se débrouiller
pour trouver une excuse qu’elle présenterait à Pitt.
    Emily ignorait encore ce qu’elle pourrait apprendre au cours
de cette soirée ; mais étant très au fait des habitudes des gentlemen de
la bonne société, elle connaissait l’extraordinaire tour de force intellectuel
et moral dont ils pouvaient faire preuve : ils étaient capables de passer
la nuit dans une coûteuse maison close de Haymarket, puis de rentrer chez eux
présider à la table du petit déjeuner, où toute la famille se tenait
silencieuse et obéissante, accueillant leurs désirs avec empressement et tenant
leurs propos pour parole d’Évangile. Emily avait choisi de vivre dans ce milieu
et de jouir de ses privilèges. Dès lors, bien qu’elle détestât son

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