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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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vint alors à l’esprit d’Emily, si terrible qu’elle
en perdit l’équilibre et trébucha. En toute autre occasion, elle aurait été
mortifiée, mais cette nouvelle idée la troublait si fort que sa maladresse lui
parut tout à fait dérisoire.
    Christina s’était-elle engagée au service de Max ? Alan
Ross n’avait rien d’un vieux barbon. Mais son charme et son inaccessibilité ne
poussaient-ils pas, plus encore que l’ennui, son épouse vers d’autres hommes, même
superficiels ?
    Emily sentit soudain son antipathie à l’égard de Christina
se muer en pitié. Même si elle ne l’aimait pas, elle était forcée de s’intéresser
à elle. Emily dansait toujours avec Alan Ross ; elle pouvait sentir le
tissu de son habit sous sa main gantée ; leurs deux corps s’accordaient à
l’unisson au rythme de la musique, alors qu’ils se frôlaient à peine. Était-il
au courant des frasques de sa femme ? Avait-il si longtemps étouffé son
orgueil blessé qu’il avait fini par assassiner Max en s’acharnant sur lui ?
    Non, c’était absurde ! Elle se vit là, dans sa robe de
satin vert qui accrochait la lumière, à tournoyer au son des violons entre les
bras d’un homme à qui elle adressait de temps à autre une parole amicale, alors
qu’en pensée elle le suivait dans des ruelles sordides, marchant la haine au
cœur vers son ennemi, un ancien valet devenu proxénète, et prêt à commettre, pour
venger l’avilissement de son épouse, l’acte le plus bestial qui soit.
    Comment deux mondes si différents pouvaient-ils se côtoyer, voire
s’interpénétrer ? À quelle distance était situé Devil’s Acre ? Cinq, huit
kilomètres ? Mais où se situait-il dans l’esprit de ces gentlemen aux
chemises immaculées et aux manières distinguées ? Combien d’entre eux, ici
présents, se rendaient-ils certaines nuits dans des établissements comme ceux
tenus par Max Burton pour jouer, boire et lutiner des catins rieuses et
consentantes ?
    Les violons se turent. Emily remercia Alan Ross avec
civilité, tout en se demandant si celui-ci se doutait des pensées qui l’habitaient,
ou si son esprit, lui aussi, vagabondait loin de la salle de bal et de ses
lustres scintillants.
    Elle aperçut Lady Augusta qui bavardait avec un jeune homme aux
favoris blonds. Charlotte venait d’accorder une danse à Brandy Balantyne, le
fils du général. Ce dernier s’approcha d’elle et lui offrit son bras, non pour
valser mais pour l’entraîner vers le grand jardin d’hiver. Il se tenait très
droit, la tête penchée vers la jeune femme, avec laquelle il semblait en grande
discussion. Emily aurait volontiers giflé sa sœur ! Comment pouvait-on se
comporter de façon aussi puérile ? Ne voyait-elle pas que cet homme de
cinquante ans, intelligent et solitaire, incapable d’exprimer ses sentiments et
par là même très vulnérable, était en train de tomber amoureux d’elle ?
    Mais Emily ne pouvait décemment pas aller trouver Charlotte
pour la prendre à l’écart et lui dire ses quatre vérités ! Quand celle-ci
s’apercevrait du mal qu’elle avait fait, elle souffrirait, elle aussi, car elle
ne s’était pour l’heure rendu compte de rien. Elle appréciait beaucoup la
compagnie du général et se contentait de lui montrer son amitié, comme elle en
avait l’habitude avec toute personne qui lui était sympathique.
    George, qui avait rejoint son épouse, lui murmura quelque
chose à l’oreille.
    — Pardon ? Que disiez-vous ? releva-t-elle d’un
ton absent.
    — Balantyne, répéta-t-il. Étrange comportement, pour un
homme de son rang.
    Emily avait beau avoir son opinion sur l’attitude de
Charlotte – et à cette minute, cette opinion n’était guère charitable –, elle n’était
prête à accepter aucune critique, même venant de George.
    — Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, dit-elle
avec raideur. Mais si vous décidez de vous excuser, vous serez pardonné.
    — Je croyais que vous vous intéressiez aux réformes
sociales, fit-il, dérouté, en secouant légèrement la tête. C’est vous qui avez
soulevé le sujet la première, non ? Avec Charlotte, bien entendu.
    Au tour d’Emily d’être déconcertée. Elle lui jeta un regard
impatient, ne comprenant pas où il voulait en venir.
    — Mais que vous arrive-t-il ? Êtes-vous souffrante ?
dit-il enfin.
    Soudain un éclair soupçonneux passa dans son regard.
    — Emily… Que mijotez-vous ?
    Il était très

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