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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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criminelles. Mais
les longs et arides intermèdes de sa vie mondaine lui paraissaient, par
contraste, d’autant plus difficiles à supporter. C’était un univers clos, où
une simple passade prenait des proportions démesurées ; où un léger
manquement à l’étiquette ou à la préséance faisait figure de grave offense ;
où les toilettes – coupe, couleur et ornements – étaient observées et discutées
comme si elles revêtaient une importance majeure.
    Comme Christina Ross l’avait rappelé, les messieurs oisifs, eux,
trouvaient aisément à s’occuper ! Ils pouvaient pratiquer toutes sortes de
sports, de plein air ou en chambre, prendre le risque de se casser une jambe à cheval
ou de perdre de l’argent au jeu. Les plus travailleurs ou les plus honnêtes
pouvaient rechercher le pouvoir à travers la politique ou le négoce, partir en
mission à l’autre bout du monde jusqu’à des pays plongés dans les ténèbres de l’ignorance,
s’engager dans l’armée, suivre le Nil Blanc pour en découvrir la source au cœur
du continent noir !
    En revanche, la seule occupation possible d’une femme était
de se consacrer aux œuvres charitables. La domesticité s’occupait de la bonne
marche de sa maison, ses enfants étaient pris en charge par une nourrice, une
nurse, puis par une gouvernante. Pour celles qui étaient dépourvues de talent
artistique ou de dons intellectuels, il ne restait guère que les distractions
mondaines. Il n’était donc pas surprenant que des jeunes femmes spirituelles
comme Christina Ross, prises au piège de mariages sans passion, sans gaieté, sans
compagnie, puissent être dangereusement attirées par des hommes tels que Max
Burton.
    Emily n’ignorait pas l’autre aspect du problème : nombre
d’hommes ne parvenaient pas à satisfaire leurs appétits chez eux. Si certains
pratiquaient l’abstinence, pour une raison ou pour une autre, d’autres ne s’y
résolvaient pas. Les « maisons de plaisir » n’étaient pas un sujet de
conversation – ni les « colombes déchues » qu’on y trouvait. Seigneur !
Elle détestait cet euphémisme ! Ils ne parlaient qu’à leurs intimes de
leurs différentes conquêtes, rencontrées à la campagne au cours de longs
week-ends de chasse, en été sur les pelouses de croquet, dans les bals pendant
la période des chasses à courre, ou en bien d’autres occasions. Dans ce
monde-là, à défaut de pardonner, on considérait ces relâchements avec
indulgence.
    Emily recensa donc les noms et les titres des femmes
évoluant dans l’entourage de Christina, susceptibles d’être liées à Max. Six ou
sept l’étaient probablement, et une demi-douzaine pouvaient l’être, même si, à
son avis, ces dernières manquaient du courage nécessaire, ou étaient trop
pudiques ou trop fidèles à leurs principes pour oser franchir ce pas. Toutefois,
à défaut de précisions complémentaires, elle donnerait cette liste de noms à
Pitt, afin qu’il puisse déterminer où se trouvaient les maris de ces dames à l’heure
des trois crimes.
    Restait à considérer l’hypothèse d’une rencontre malheureuse,
d’une dénonciation ou d’un chantage. Que se passerait-il si un homme
fréquentant une maison close se rendait compte qu’il avait payé les services de
sa propre épouse ? Les cas de figure étaient légion et tout aussi
douloureux et invraisemblables les uns que les autres : si par exemple, une
femme travaillant pour Max avait eu pour client Bertie Astley et que son mari
ait eu vent de l’affaire, la suite logique en aurait été le meurtre non
seulement de Max, mais aussi d’Astley. En revanche, le rôle du Dr Pinchin
paraissait encore très obscur.
    Une autre hypothèse, tout aussi valable, était encore plus
détestable : Beau Astley, ayant lu dans la presse le récit des deux
premiers crimes de Devil’s Acre, aurait saisi là l’occasion de se débarrasser
de son frère. Ce ne serait pas la première fois qu’un criminel ferait endosser
la responsabilité d’un homicide à un assassin en ayant déjà commis deux.
    Beau Astley avait beaucoup à gagner à la disparition de son
aîné, c’était certain. Mais l’avait-il réellement souhaitée ? Avait-il de
graves ennuis d’argent ou ses revenus personnels lui suffisaient-ils ? Était-il
amoureux de May Woolmer ? En fin de compte, quel genre d’homme était-il ?
     
    Emily buvait son thé à petites gorgées, à la table du petit
déjeuner. Assis en

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