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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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face d’elle, George ne paraissait pas au mieux de sa forme. Il
se cachait derrière son journal, non pour le lire, mais pour éviter d’avoir à
alimenter la conversation.
    — Je suis allée rendre visite à May Woolmer, annonça-t-elle
gaiement.
    — Ah ?
    À son ton absent, Emily se rendit compte qu’il avait oublié
qui était May Woolmer.
    — La pauvre petite est toujours en deuil, poursuivit-elle.
    Pour George, poser ouvertement une question était, en
général, le meilleur moyen de ne pas obtenir de réponse. Il détestait la
curiosité, qu’il jugeait vulgaire et offensante. Il se moquait que les gens se
vexent si la situation ne le justifiait pas, mais exécrait l’idée de passer
pour un mufle ou de paraître manquer de courtoisie. Il est toujours préférable
d’acquiescer aux propos d’un interlocuteur, si l’on ne sait pas de quoi il vous
parle.
    Comprenant qu’Emily n’avait pas l’intention d’abandonner le
sujet, il posa son journal, un peu à contrecœur.
    — Vous disiez, ma chérie ? Pardonnez ma
distraction…
    — May Woolmer porte encore le deuil de Bertie Astley, répéta-t-elle.
    Le visage de George s’éclaira.
    — Oh, oui, bien sûr ! May Woolmer ! Quelle
affreuse histoire ! Un garçon charmant, cet Astley.
    Emily s’efforça de paraître choquée.
    — George, voyons !
    — Oui, ma chérie ? fit-il, visiblement désorienté.
    Il venait de faire une remarque anodine à propos de Bertram
Astley qu’il considérait sans nul doute comme un garçon charmant.
    Emily baissa les paupières.
    — Je sais, murmura-t-elle, où le corps de Sir Bertram a
été trouvé…
    George sursauta.
    — Comment ?
    Elle regrettait de ne pas savoir rougir à bon escient. Certaines
femmes y parvenaient ; c’était là un talent fort utile. Elle évita de le
regarder afin qu’il ne vît pas la curiosité dans ses yeux, alors qu’il aurait
dû y lire une horreur pudique.
    — On l’a découvert devant l’entrée d’une maison… de
tolérance…
    Elle tenta d’imprimer à sa voix une nuance d’embarras.
    — … dont les pensionnaires sont des hommes.
    Cette fois, George n’eut pas besoin de feindre l’intérêt. Il
ouvrit de grands yeux.
    — Mon Dieu ! Comment se fait-il que vous soyez au
courant, Emily ? Répondez-moi !
    Un instant désarçonnée, elle ne sut que répondre. La
conversation prenait un tour qu’elle aurait dû prévoir, mais hélas, elle n’avait
pas pensé à tout. Devait-elle lui avouer qu’elle avait lu les journaux ou
mettre Charlotte en cause ? Non, ce n’était pas une bonne idée ; il
pourrait s’ensuivre de désagréables conséquences. À l’avenir, George pourrait
lui conseiller de voir sa sœur moins souvent, surtout au cours d’une enquête
criminelle aussi sulfureuse.
    Soudain, elle eut une inspiration.
    — C’est May qui m’en a parlé. Dieu seul sait où elle l’a
appris ! Vous savez, la rumeur va bon train. Mais quel mal y a-t-il à cela,
si telle est la vérité ?
    Cette fois elle croisa franchement son regard, en toute
innocence. Elle qui n’avait aucun scrupule à lui mentir sur des sujets anodins
– après tout, c’était pour son bien – se montrait toujours d’une rare honnêteté
lorsqu’il s’agissait de notions importantes à ses yeux, comme la loyauté ou l’argent.
Mais parfois un époux a besoin d’être un peu ménagé !
    Il se détendit et se laissa aller contre le dossier de sa
chaise ; son visage reflétait toutefois une légère perplexité. Une chose
le troublait : que dire à Emily de ce qu’il savait des agissements peu
recommandables de Bertie Astley ?
    Elle le comprit fort bien et vint à sa rescousse pour ne pas
perdre l’initiative de la discussion et être obligée de tout reprendre par le
commencement.
    — Peut-être devrais-je passer chez May pour la rassurer ?
suggéra-t-elle. S’il ne s’agit que de méchants ragots…
    George hésita, puis se décida à lui dire ce qu’il savait.
    — Non, Emily. Ce serait inutile… Je crains hélas que ce
ne soit la pure vérité.
    Elle prit une mine affligée, comme si elle avait nourri l’espoir
que tout cela ne fût que commérages.
    — George ? Vous voulez dire que Sir Bertram était
vraiment…
    — Grands dieux, non ! Pas du tout ! J’avoue
que je ne comprends pas… C’est bizarre.
    Il eut une grimace, qui exprimait franchement son
incompréhension.
    — On ne connaît pas toujours aussi bien les gens qu’on
le

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