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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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s’avérait moins efficace
que prévu ? Elle repoussa cette idée. De toute manière, il était trop tard
pour changer quoi que ce soit à son plan.
    Un lumineux sourire aux lèvres, elle s’avança vers Lady
Augusta, qui, raide et majestueuse, affichait l’expression aimable exigée par
la bienséance.
    — Bonsoir, Lady Ashworth, dit celle-ci avec froideur. Lord
Ashworth, quel plaisir de vous revoir. Bonsoir, Miss Ellison.
    Soudain, Emily eut un peu honte. Elle regarda Augusta, ses
épaules crispées, les tendons de son cou raidis sous le lourd collier de rubis
dont les pierres ressemblaient à de grosses larmes de sang. Redoutait-elle à ce
point la présence de Charlotte ? Était-il possible qu’elle aimât son mari ?
Et que le sourire qui adoucissait les lèvres du général, très raide lui aussi, tandis
qu’il saluait Charlotte, montrât qu’il éprouvait bien autre chose que le seul
plaisir de se retrouver en compagnie d’une jolie femme ? Quelque chose qui
touchait aux sentiments profonds, ceux qui font souffrir, qui troublent et qui
laissent une sensation de solitude irremplaçable – et qu’Augusta devinait ?
    Les violons s’accordèrent, puis entamèrent une mélodie
pleine et riche ; les valets se glissaient avec adresse entre les invités,
offrant des plateaux chargés de coupes de champagne et de verres de punch.
    Un bref instant, Emily oublia les rires des invités, les
lumières des lustres scintillants. Elle était simplement venue pour démasquer
la vraie Christina Ross sous son vernis mondain et lui faire raconter, dans un
moment d’étourderie, ce qu’elle savait sur les femmes de la bonne société qui
avaient pu fréquenter l’établissement de Max. La dernière chose qu’elle
désirait, c’était bien causer une peine profonde à qui que ce soit. Pourvu que
de son côté Charlotte sache ce qu’elle faisait !
    Elle dut interrompre le cours de ses pensées pour converser
aimablement avec d’autres invités. Mais elle les écoutait d’une oreille
distraite, l’esprit ailleurs, tout en commentant les chances des participants
au prochain derby de l’été. Était-ce celui d’Epsom ou celui des Oaks, elle n’en
savait rien. Elle crut entendre mentionner le nom du prince de Galles.
    Au bout d’une demi-heure le sujet finit par s’épuiser, et
Alan Ross vint s’incliner devant elle pour lui demander de lui accorder la
prochaine danse. C’était une sensation étrange d’être si proche de son cavalier
et d’évoluer avec lui au rythme de la musique, de l’effleurer, sans
pratiquement lui parler ; ils se rapprochaient l’un de l’autre puis
tourbillonnaient chacun séparément avec une telle rapidité qu’aucun échange de
paroles n’était possible.
    Elle l’observa attentivement : Alan Ross n’était pas
aussi séduisant que George, mais il émanait de lui une sensibilité fort
attirante. Les événements tragiques de Callander Square lui revinrent
brusquement en mémoire ; elle se demanda à quel point cet homme avait
souffert. Son amour pour Helena Doran était connu de tous. La blessure
était-elle encore ouverte ? Était-ce le chagrin qui avait émacié ses joues
et aminci le dessin de ses lèvres ?
    Là résidait peut-être la raison de l’animosité de Christina
à l’égard de Charlotte ; celle-ci se souvenait d’Helena et, de plus, à cet
instant précis, outrepassait la limite du savoir-vivre en se montrant
ostensiblement avec le général. En effet, on jugeait tolérable pour un homme, quoiqu’un
peu déplacé, d’apprécier au vu de tous la rondeur d’un sein ou la courbe d’une
hanche. Mais aller plus loin, accaparer les pensées, provoquer la compassion, exciter
l’imagination dépassait les convenances !
    Quelles règles Christina observait-elle ? Que
savait-elle exactement ?
    Tout en virevoltant dans les bras d’Alan Ross, Emily
embrassa le grand salon du regard et aperçut, par-dessus l’épaule de son
cavalier, Christina agrippée à un officier de cavalerie sanglé dans un superbe
uniforme. Elle riait à gorge déployée, sans le quitter des yeux. L’officier
paraissait littéralement ensorcelé.
    Emily observa Alan Ross à la dérobée : il avait dû
remarquer la scène quelques secondes auparavant, mais son expression n’avait
pas changé. De deux choses l’une : il était tellement accoutumé à ce
spectacle qu’il avait appris à masquer ses émotions, ou il avait cessé d’y
prêter attention.
    Une pensée

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