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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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Elle
ressemblait encore à la jeune fille de dix-sept ans qu’elle avait été et
pourtant elle lui semblait inaccessible. En avait-il toujours été ainsi ou bien
s’était-il imaginé la connaître, par facilité, simplement parce qu’elle était
sa fille ?
    — On ne peut vouer pareille haine à quelqu’un pour une
simple dette de jeu, dit-il pour tenter d’exorciser ce sujet qui le hantait.
    Elle haussa les épaules.
    — Un fou, peut-être ? Qui sait ? Papa, sommes-nous
vraiment obligés de parler de tout cela ?
    Il faillit s’excuser, puis se ravisa.
    — Parviens-tu, toi, à ne pas y penser ? Pour ma
part, je n’y arrive pas.
    — Je m’en rends compte…
    Sa mère aurait fait exactement la même réflexion méprisante.
    — Moi, tout cela m’est bien égal. Je ne suis pas
fascinée, comme vous, par la faune qui hante les bas quartiers. Je préfère de
loin le monde dans lequel je suis née.
    — Tiens, je croyais que tu le trouvais mortellement
ennuyeux, lança Balantyne, surpris de sa propre agressivité. Je t’ai si souvent
entendue t’en plaindre…
    Elle releva le menton et s’écarta de lui.
    — Êtes-vous en train de suggérer que je devrais
chercher à me divertir à Devil’s Acre, papa ? dit-elle d’un ton crispé. Alan
verrait cela d’un très mauvais œil ! Quant à maman… n’en parlons pas.
    Elle alla tirer la sonnette.
    — Je crains d’avoir, comme la majorité des femmes, à m’accommoder
d’une existence assez morne. Et je trouve votre prêchi-prêcha d’autant plus
pénible à supporter. J’ignore, tout comme vous, la cause de ces meurtres et je
ne vois pas pourquoi vous tenez à les évoquer, sinon pour le plaisir de vous
sentir supérieur aux autres. Je ne veux plus en parler ; comme le dit
maman, cette affaire est sordide.
    Le valet apparut sur le seuil.
    — Allez chercher ma voiture, Stride, ordonna-t-elle
sèchement. Je rentre à la maison.
    En la voyant partir, Balantyne fut rempli d’un mélange de
soulagement et de tristesse. Qu’est-ce qui les empêchait de se comprendre ?
La différence entre hommes et femmes, ou bien le fossé de générations qui les
séparait ? Ces derniers temps, il y avait de moins en moins de gens avec
lesquels il se sentait à l’aise pour parler de choses réellement sérieuses – sans
se contenter de platitudes auxquelles personne ne croyait et dont tout le monde
se moquait.
    Pourquoi vouloir à tout prix évoquer cette série de meurtres
avec Christina – ou avec quiconque ? Il existait de nombreux autres sujets
de conversation, plaisants, passionnants et même amusants. Alors pourquoi
toujours et encore Devil’s Acre ? Parce qu’il se souvenait des paroles de
Brandy à propos de la souffrance des indigents, il pouvait comprendre la haine
qui avait poussé quelqu’un à supprimer un individu tel que Max, même si ces
horribles mutilations dépassaient son entendement. Pour sa part, il aurait
exécuté l’homme proprement, d’une balle dans la tête. Mais, à la réflexion, si
Max avait employé sa femme ou sa fille dans son établissement de prostitution, il
aurait pu ressentir le besoin non seulement de le tuer mais aussi de s’acharner
sur ses attributs virils, outils de son pouvoir et symboles de ses sévices. Cela
revenait en quelque sorte à se faire justice.
    Non, décidément, il ne parvenait pas à chasser ces images de
son esprit. Et il n’avait personne avec qui en parler, sans susciter de la
colère ou se voir accuser de fatuité ou de penchants moralisateurs. Était-ce
ainsi que le voyaient son épouse et sa fille ? Un homme insensible et
sentencieux, obsédé par une série de meurtres sordides perpétrés dans un
quartier qu’il ne connaissait même pas ?
    Charlotte, elle, ne le jugeait pas de cette façon. Elle
avait paru si intéressée par tout ce qu’il lui disait. Était-il possible que ce
fût seulement par gentillesse ? Les lettres de ce soldat de Wellington
durant la guerre d’Espagne semblaient réellement la passionner. Cette lumière
qui éclairait son visage n’était-elle que le reflet de sa courtoisie ? L’idée
lui était intolérable.
    Il se leva, quitta vivement le salon, traversa le vestibule
et entra dans sa bibliothèque. Là, il prit une feuille de papier et rédigea
quelques lignes à l’attention d’Emily Ashworth, lui demandant de faire savoir à
sa sœur que, si elle s’intéressait toujours aux lettres de ce soldat, il se
ferait un plaisir de les

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